Le Corpus Hermeticum d’Hermès Trismégiste 1

Version de 1577 de Loys lazarel


PRIVILEGE DU ROY


Il est permis à Estienne Groulleau, libraire à Paris, faire imprimer et mettre en vente deux livres de
Mercure Trismegiste Hermés : l’un de la sapience et puissance de Dieu : l’autre de la volonté de
Dieu avec un dialogue de LosLazarel poète chrétien, qui ont été par ci-devant reçus et approuvés et
de nouveau reçus sus le Grec par Messire Gabriel du Préau. Et défendu à tous imprimeurs, libraires
et autres marchands quels qu’ils soient imprimer ou faire iprimer, mettre en vente i celui livre
jusque 6 ans prochainement venans, à conter du jour et date que lesdits livres seront achevés
d’imprimer. Et ce sur peine de confiscation desdits livres, et d’amende arbitraire au Roy applicable.
Ainsi qu’il apert et est plus à plain contenu par lettres et privilège dudit seigneur.
Donné à Paris le XXI de mai mille cinq cent cinquante sept. Siné par le conseil de Courlay.
Et scellé sur queuë de cire jaune. Achevé d’imprimer les jours de juin mille cinq cent cinquante
sept.


Hermès Mercure


A L’ILLUSTRE ET VERTUEUX Seigneur Jacques de Basordan prothenotaire apostolique, docteur
es droits, conseiller et aumônier ordinaire du Roy, neveu de monsieur de Termes, chevalier de
l’ordre du Roy et son lieutenant général en Piedmont Gabriel du Preali donne salut.
Monsieur dès lors que j’eu tant de faveur que par le moyen de vos bons amis et les miens ouverture
me fut faite à votre noble personne, tant pour le savoir, prudence, intelligence, honnêteté, bon
naturel, et affectionné désir es bonnes science, que j’avais premièrement entendu être en vous par le
narré de plusieurs, et que en un instant je cogneu vous accompagner, que pour la recommandation
qu’avez es personnes qui approchent du rang que vous tenez en vertu et savoir désir me vint de vous
découvrir et faire paraître quelque témoignage de mon intention, prêt à faire service à vous et aux
vôtres. Ce témoignage ne s’est pu trouver en mon endroit plus sûr et certain, que par l’offre de mes
labeurs à votre excellence, et entre autre de cestuy. Lequel connaissant être favorable à votre
naturel, tendant toujours à hautes choses, comme est son sujet qui traite


VIE D’HERMES MERCURE.


Il faut entendre que du temps que naquit Moyse (qui fut l’an du monde deux mille trois cents
septante quatre, de la servitude des Hébreux soixante quatre avant Jésus Christ, mille cinq cents
nonante huit, florissait en Egypte un astrologue de fort grand renom et expérience, nommé Athlas,
frère de Prométhée, homme de ce même temps fort estimé en physique et aïeul du côté maternel du
grand Mercure, duquel fut neveu Mercure Trismegiste auteur du présent livre : homme certes de
singulière et mémorable vertu, fort noble et excellent mathématicien, ainsi que l’est tout rectte (?) St
Augustin. Encore que Ciceron et Lactance Firmien dirent qu’ils furent cinq, qui tous
consécutivement les uns après les autres, portèrent le nom de Mercure : et que le cinquième d’entre
eux fut celui qui des Egyptiens est nommé Thot, ou autrement Tempungina, et des Grecs
Trismegistos. Lequel ils affirment avoir défait Argus, et tenu l’empire et domination sur les
Egyptiens et leur avoir baillé avant tous autres, leurs lois et lettres. Les caractères desquelles dressa
et institua par figures de bêtes et d’arbres, à fin d’avoir à elle plus facile


VIE DE MERCURE.

et patente ouverture. Et fut en si grande estime des hommes, pour icelle sienne intégrité, bonté,
prudence, diligence, savoir, débonnaireté et toutes autres vertus, lesquelles étaient parfait et
accompli, qu’ils le mirent au nombre de leurs dieux, et bâtir plusieurs temples en son nom. Lequel
nom propre n’étant à nul loisible ne permis vulgairement et témérairement proférer, tant lui était
porté d’honneur et révérence. Duquel nom les Egyptiens dénominèrent le premier moi de l’an. Ils
lui dédiaient aussi tous les livres qu’ils écrivaient, le disant inventeur de toutes choses, Prince et
auteur de sapience et éloquence. Il édifia pareillement une ville : laquelle jusqu’à présent retient son
nom, et s’appelle Hermopolis, c’est-à-dire, la cité d’Hermes. Il fut aussi nommé par eux
Trismégistus, qui veut autant dire, comme trois fois très grand et souverain, à raison qu’il fut très
excellent philosophe, très souverain sacrificateur, très vertueux et magnanime Roy. Car les
Egyptiens (ainsi que récite Platon) avaient alors coutume d’élire leurs prêtres du nombre des
philosophes et l’un d’entre eux créer Roy. Tout ainsi donc qu’il surpassait et excellait tous autres
philosophes en subtilité d’esprit et savoir étant aussi constitué en l’état et dignité de pontificale
prélature, il passait tous autres pontifes en sainteté de vie et divine religion. Etant finalement élevé
en Royale sublimité, il fit tant par si bien


VIE DE MERCURE, PLATON

administrer les lois, ordonner louables coutumes, régire toute la police et justice humaine, en
punissant les méchants, et guerdonnant les bons : ensemble par les siens hauts faits, vaillances,
prouesses, et mémorables exploits d’armes, qu’il obscurcit et diminua la gloire de tous les autres
Rois qui l’avaient précédé. Dont vint, qu’il mérita être à bonne et juste cause, appelé nommément
trois fois très excellent et souverain. Ce fut lui, qui premier entre tous philosophes après avoir
soigneusement versé en Physique, et arts Mathématiques, et les avoir parfaitement compris, éleva
son esprit à contempler les choses divines. Ce fut lui qui premier avant tous humains, très sagement
disputa de la majesté de Dieu, de l’ordre des Anges, du changement et mutation des âmes. Ce fut lui
qui pour cette cause fut jadis appelé auteur de Théologie, réputé Dieu d’éloquence, d’engin, et
bonne invention. Duquel fut imitateur Orphéus, qui obtint le second loz en l’ancienne Théologie.
Auquel succeda Agleophémus. Après lequel vint Pythagoras. Lequel Philolaüs précepteur et maître
du divin Platon ensuivit. La secte donc de l’ancienne Theologie (à foi autant acordante et unie que
nulle a depuis été) eu sa confirmation en six doctes et experts Théologiens : prenant sa source et
origine de Mercure et du divin Platon son entière perfection et accomplissement. Ce que puis après
si fort émeut les esprits humains, et spécialement ceux de celle nation


EGYPTE ET RELIGION ANTIQUE.


Egyptienne, à toute vertu, arts et savoir, que nul anciennement était réputé docte entre les Grecs et
Athéniens, ne reçu pour homme vertueux, qui n’eut passé jusqu’en Egypte pour être instruit des
Prophètes, Philosophes, Prêtres et Gymnosophistes du pays des lois, sciences, et arts tant de
Théologie, Arithmétique, Musique, Géométrie, Cosmographie, et Architecture, que autres. Comme
firent de ce temps là Museus, Melapus, Homerus, Licurgus, Democritus, Eudoxus, Solon, Inopis,
Dedalus, et plusieurs autres excellents Philosophes Grecs. Entre lesquels (en me taisant des autres)
cestuy Mercurius duquel est nôtre présent propos, a écrit plusieurs livres, faisant à la connaissance
des choses divines. Es quels, ô Dieu immortel ! combien grands et profonds mystères, sont
déclarés ! Combien d’admirables Oracles y sont découverts, et manifestés ! et si ne parle pas
seulement ainsi qu’on Philosophe : ains (avant) souvente fois comme un Prophète, en ce qu’il prédit
les choses à venir. C’est celui, qui a prévu la ruine et destruction de la religion antique, et l’origine
de la nouvelle foi. L’avènement du Messie, le futur jugement de Dieu, la résurrection des morts, la
rénovation du monde, la gloire des bienheureux, et la justice des malheureux. C’est pourquoi fait
doute St Augustin, s’il a su beaucoup de ce qu’il a proféré, ou par le savoir et expérience des astres,
ou par révélation des diables. Tant y a que Lactace n’a craint, le mettre au rang


PROPHETE ET SYBILLES.

des sibylles et Prophètes. En outre plus entre plusieurs livres par lui faits et composés qui par
l’injure des temps ont été perdus il y en a deux fort singuliers, pleins de très saints mystères, et
oracles célestes. L’un de la puissance et sapience de Dieu, l’autre de la volonté de Dieu. Celui là
étant intitulé Pimander, et traduit de Grec en Latin par Marcilius Ficinus : celui-ci Asclepius, et
tourné de Grec en latin par Apuleius Platoniste. Desquels deux livres voyant l’obscure, et difficile
intelligence (voire plus qu’en livres qui furent donc faits) ensemble le profond savoir avec le grand
fruit que l’on pourrait tirer et recueillir d’eux, pourvu qu’ils fussent un peu plus éclairés et illustres
par notre langue Française, qu’ils ne sont en la Latine, et même en leur primitive et naturelle, qui est
l’Egyptienne, et puis après la Grecque, à cette occasion, l’ait tant fait par mon travail et labeur, que
les ai tournés de la Grecque en la nôtre Française : sinon comme il appartenait à la hautesse et
majesté de l’auteur, à tout le moins en tant que l’ai pu par la faiblesse de mon petit esprit, et au plus
près de la vraie, saine et entière intelligence. Ce que certes ai voulu faire pour deux causes. L’une
afin que soyons muni non seulement du bouclier de la foi, ains (avant/mais) aussi de toute autres
armures (qui sont les choses naturelles, par lesquelles celui-ci avec divine inspiration, a connu Dieu,
et l’a ainsi donné à connaître en ses livres, qui autre chose


PROVIDENCE.


ne traitent) pour ruiner et déconfire plusieurs faux prophètes, mécréants, et infidèles Atheïstes, qui
pour le jourd’hui font sortir au monde des infernales contrées et stigieux palais avec leur chef et
Capitaine Sathan ; pour ruiner et mettre jus (sous leur domination), (s’ils peuvent) la providence de
notre père, qui est Dieu, comme gens insensés et hors des limites de bon sens, raison, et
entendement. L’autre cause qui m’a induit à ceci, a été afin d’exerciter mon esprit, et d’attenter si je
pourrais faire quelque chose plus que beaucoup de gens doctes, lesquels (comme l’ai entendu) se
sont efforcés de le traduire, sans toutefois en venir à chef, et en donner le parfait sens et solution. Or
pour descendre parvenir à ce qu’à écrit Mercure, il faut savoir que le premier livre est intitulé
Pimander, à raison qu’entre quatre personnes qui en ce dialogue disputent, le principal est attribué à
Pimander. Il faut entendre en outre qu’il a écrit tout ce qu’il a fait premièrement en langue
Egyptienne, et qu’étant même savant et expert en la Grecque, l’a par ce moyen transporté aux Grecs
: leur communiquant les mystères des Egyptiens. Son propos et intention, touchant ce présent
oeuvre, est de traiter de la puissance et sapience de Dieu. Desquelles deux attendu qu’il y a double
opération, dont la première se maintient toujours et persiste en la nature de Dieu, et la seconde
s’étend en toutes choses qui sont reculées de la divine majesté, et que celle-là conçoive le premier et


LA SAPIENCE DE DIEU.


éternel monde, celle-ci le second et temporel : il dispute très constamment de l’une et de l’autre
opération, ensemble de l’un et l’autre monde. En déclarant que c’est que la puissance et sapience de
Dieu, et quel ordre l’un et l’autre tiennent à concevoir intérieurement, et comme ils produisent
extérieurement. Au surplus comme les choses qui sont crées se maintiennent ensemble et se
comportent en quoi elles s’accordent les unes aux autres, et en quoi elles différent et se
conjoignent : finalement comme elles regardent leur auteur. Quant à l’ordre du premier livre, il est
divisé en quatorze dialogues, dont le principal personnage, est attribué à Pimander, le second à
Trismegistus, le tiers à Esculapius, le quart à Tatius. L’intention donc de Mercure est de vouloir
enseigner Esculapius et Tatius son fils es choses divines : ou certes il convient entendre de nécessité
celui-là ne les pouvoir nullement enseigner, qui ne les a apprises. Or ne pouvons nous par humain
esprit comprendre ce qui surpasse nature humaine. Qui fait qu’il soit besoin de lumière divine pour
voir le soleil, par la même lueur du soleil. Mais la lumière de l’entendement divin jamais ne s’épand
en l’âme, si ainsi que la Lune au Soleil, ne se convertis totalement en entendement divin. L’âme ne
se convertit en tel entendement si elle ensemble avec lui ne se fait entendement. Mais elle ne le fait
entendement premier qu’elle n’ait rejeté de soi toutes sensuelles déceptions et toutes de la fantaisie.
A cette cause notre Mercure se dépouille de ses ténèbres sensuelles et fantastiques, et se retire au
conclave et lieu secret de son entendement. Dont tout soudain Pimander, c’est-à-dire la pensée
divine, entre lui et elle fait son séjour. Dont vient qu’il contemple l’ordre de toutes choses, tant de
celles qui sont en Dieu, comme de celles qui procèdent de lui. Finalement il déclare et manifeste
aux autres, les choses qui lui sont révélées par la lumière et inspiration divine. Ici donc est le titre,
intention, et ordre des livres de Mercure.


PYMANDRE, premier dialogue

En ce présent Dialogue, ainsi qu’il plaît toujours à notre Dieu donner quelque notice, et lueur de sa
connaissance à ses créatures par quelques indices (sauf l’honneur toutefois, et vénérance des vrais
Prophètes, et de la religion Chrétienne) il semble que Mercure traite mêmes mystères que Moïse,
occultement toutefois, et sous paroles couvertes. Moïse décrit avoir vu les ténèbres sur la face de
l’abîme, et l’esprit de Dieu être porté sur les eaux. Celui-ci du, avoir vu une ombre merveilleuse et
horrible, qui se convertissait en une nature humide, qu’entretenait en chaleur le Verbe de Dieu :
Moïse dit, toutes choses avoir été créées par la puissante parole de Dieu. Celui-ci dit, que ce Verbe
lumineux qui toutes choses illumine, est le germe de la pensée divine, et le fils de Dieu : et que le
père, qu’il appelle pensée divine, et le fils, qu’il nomme le Verbe, ou la parole de ladite pensée à
sont


PYMANDRE, LE VERBE DE DIEU

point différents en nature, pour autant (comme il dit) qu’ils sont consubstantiels. Il a pareillement
vu en esprit leur union et hypostase. Et si plus « plein tu le désires savoir, ou qu’il soit loisible et
permis d’attribuer aux hommes une si grande connaissance du Verbe de Dieu premier qu’il prit le
voile de notre humanité, il a veut comme le fils s’engendre du père, et comme le saint esprit par un
ineffable mystère procède du père et du fils, quand il dit : mais cette divine puissance qui est Dieu,
avec son verbe a produit une autre suprême puissance, qui n’est avec lui qu’un Dieu, qu’un feu,
qu’un esprit, qu’une divinité, et majesté. Il à vu d’avantage la divine pensée par son abondante
fertilité s’étendre aux choses étranges, et reculées de sa divine majesté : et à l’exemple de son verbe
divin former toutes choses, et distribuer à une chacune d’elles selon son genre, tant en l’air, comme
en l’eau, et en la terre, sa nature et propriété. Et comme un peu après il créa l’homme à son image et
ressemblance, auquel il donna la puissance, et domination sur toutes choses sensibles. Lequel
incontinent tomba de la sphère intelligible, c’est-à-dire, de la contemplation de son Dieu, et justice
originelle, en la sphères des choses corporelles, et concupiscibles. Donc c’est ensuivie l’origine, et
commencement de tous maux. Et finalement comme par permission divine a été délié le noeud de
toutes choses, et l’homme avec toutes les autres créatures a été soumis à la mort. Qu’est-ce


LA SAINTE PAROLE

d’avantage ce qu’il dit ici, Dieu avoir à haute voix crié par la sainte parole : Produisez, devenez
grands, et vous dilatez toutes mes semences, et mes oeuvres : sinon ce que dit Moïse : croissez, et
multipliez, et emplissez la terre ? En après Mercure nous instruit de la manière d’avoir accès à cette
divine pensée, et nous déclare l’erreur qui nous en recule et qui sont ceux auxquels cette divine
puissance favorise, et desquels elle s’éloigne. Et que comme tout ainsi que par certains degrés nous
tombons, et dégénérerons de l’intellectuelle, et immortelle nature est choses caduques : aussi que
par certains et opposites degrés, nous sommes réintégrez au premier état de notre pur et entier
esprit. Moïse par divine ordonnance fut conducteur du troupeau hébraïque, et Mercure de celui
d’Egypte : lequel il paît maintenant, et nourrit de sainte institution : maintenant avec humes et
action de grâce co-louant le père et créateur de toutes choses, il s’élève en la vie et lumière de
divine contemplation. Voila le sommaire et contenu de Pimander.


Comme une fois je pensais à la nature des choses, et élevais la subtilité de mon esprit au ciel, ayant
mes sens corporels lors non moins assoupis, que ceux qui à cause de trop grande replétion ou

DE MERCURE A PYMANDRE


ou autre ennui et fâcherie qui leur auient , son de sommeil opprimés : soudain me sembla voir
quelqu’un de fort grande stature corporelle, qui par mon nom m’appelant, en telle sorte s’écriait.
Qu’est-ce, ô Mercure que plus tu désires ouir et voir ? Qu’est-ce que tu souhaites apprendre, et
entendre ? A donc tout transporté d’effroi, lui demandais qu’il était. Je suis, dit-il, Pimander, la
pensée de la divine puissance : parquoi regarde ce qu’auras vouloir de savoir, et entendre, car en
tout et partout t’aiderai. Lors lui fit réponse que j’avait grand vouloir d’apprendre la nature, essence,
et ressort de toutes choses : et principalement de connaître Dieu, le facteur d’icelles. A quoi me dit.
Emploie toi donc de tout ton coeur et affection, à m’aimer, et te rendrais savant et expert, en tout ce
que tu désires savoir et comprendre. Ce dit, changea la forme en laquelle s’était à moi apparu, et me
découvrit et révéla soudainement tout ce que je désirais. De sorte que je vis clairement un fort grand
réceptacle et épouvantable vision. Savoir est qu’il me semblait que toutes choses fussent converties
en une fort douce et aimable lumière, laquelle contemplant merveilleusement me délectais. Un peu
après quelque ombre horrible et émerveillable par un pli et tournoiement de travers, descendait peu
à peu par-dessous, laquelle se convertissait en une nature humide, émue d’un


UNE VOIE DE LUMIERE


grand trouble et émotion. D’où avec violence et impétuosité failloit une grosse fumée, faisant un
grand son duquel sortait une voix. Laquelle ai bien estimé être la voix de la susdite lumière. De
cette voix de lumière, est sortie la parole, laquelle aydant et prestant faveur a nature humide
l’entretenoit en chaleur. Mais des entrailles de cette nature humide un vrai feu s’envolant,
soudainement à cause de la légèreté à monter en haut. L’air semblablement, qui de sa nature est agil
et subtil obeissant à l’esprit, à obtenu et occupé le milieu de la région entre l’eau et le feu. Mais l’eau
et la terre étaient ensemble en telle sorte mêlées, que le dessus de la terre était tellement noyé et
abîmé, qu’en nul lieu n’apparaissait, lesquelles deux ont été puis après mûes et séparées l’un de
l’autre par le verbe spirituel, qui était porté sur eux, bruyant et retondissant de toute part alentour de
leurs oreilles. Alors me demanda Pimander si je comprends ce que dénote cette vision. Auquel fit
réponse que non : mais que j’avait grand vouloir de l’entendre, moyennant que son bon plaisir fût
me la déclarer. A donc dit. Cette lumière que tu as vue, n’est autre chose que ma puissance divine,
ton souverain Dieu et créateur, plus ancien incomparablement, que nature humide, qui est issue de
l’ombre. Mais le germe de la pensée divine, est le Verbe lumineux,


VOIT ET OYT

lumineux fils de Dieu. De quoi, m’émerveillant, quoi donc, dis-je ! Il est ainsi, dit-il, comme je dis.
Mais à fin que plus aisément tu l’entendes, penses que ce qui en toi voit et oit, soit le verbe divin, et
ton entendement soit Dieu le père. Car ils ne sont pas disjoints, ni séparés l’un de l’autre, mais entre
eux deux n’y a qu’une seule union et société de vie. A donc l’ai mercié du plaisir qu’il m’avait fait.
Et m’a admonesté de soigneusement considérer en moi-même avant toute chose, et de parfaitement
connaître la lumière, qu’avais vue auparavant. Tantôt qu’il a eu achevé son propos, je l’ai encore
derechef supplié de me donner à connaître son essence. Ce que fit tôt qu’il eu fait, j’aperçu
incontient en mon entendement avoir une si grande clarté, et de si grand force et vertu esprise, qu’il
ne m’est loisible de le savoir dire et raconter : comme si vous vouliez dire un feu grandement
embrasé, et allumé d’une merveilleuse et excessive ardeur, et m’estroiant (étant) en sa fermeté,
vertu et embrasement. Ce que j’ai aperçu par la parole de Pimander : lequel me voyant si fort
transporté de frayeur, m’a derechef aimablement consolé, en me disant. As-tu pas aperçu et senti en
ton entendement la première espèce, s’enforcissant continuellement de plus en plus d’une puissance
et vertu infinie. Ainsi aucunement est-il de moi Pimander. L’ai puis


LES ELEMENTS DE LA NATURE

après plus outre inféré, en lui demandant d’où avait pris leur origine les Eléments de nature. Lequel
me répondit, que c’était de la volonté de Dieu, lequel de grande affection aimant son verbe, et
considérant le monde qu’il avait fait, être doué de grande beauté, à l’exemple d’icelui a exorné ce
qui restait des siens propres éléments et semences vitales. D’avantage cette divine puissance qui est
Dieu, vie et lumière, très plein de fertilité de l’un et de l’autre sexe, avec son Verbe a produit un
autre suprême puissance, laquelle n’est ensemble avec lui qu’un Dieu, qu’un feu, qu’un esprit,
qu’une divinité et majesté. Il a fait après sept gouverneurs, pour et à celle fin de gouverner, régir, et
embrasser avec leurs cercles le monde sensible. La disposition et ordonnance desquels, s’appelle
destinée fatale. A la fin le Verbe divin a assemblé et conjoint des Eléments inférieurs le vrai et pur
artifice de nature, lequel a été uni et conjoint à la puissance divine, attendu qu’il était a elle
consubstantiel. Et ont été délaissés les Eléments de nature pendre contre bas, sans en avoir autre
raison, ou solution, sinon afin qu’ils fussent comme la seule matière et sujette à génération et
corruption. Finalement la divine puissance ensemble avec le verbe qui auparavant retenait les
sphères qu’elles ne tournassent, les a soudainement fait tour-


DE LA PUISSANCE

Tourner avec une merveilleuse force et violence : en contraignant son organe et facture céleste lui
obeir, en lui commandant tourner dès le commencement sans commencement, jusqu’à la fin, sans
fin. Car aussi commence elle d’où fini elle fini. Ce que certes n’est autre chose que le circuit, et
tournoiement de tout ce que nous voyons. Au surplus ainsi que bon a semblé à la divine puissance,
elle a fait et composé des éléments inférieurs les bêtes brutes et sans raison. L’air a produit les
oiseaux, et l’eau les poissons. En la sorte pareillement qu’il a plu à la puissance divine, l’eau et la
terre, qui auparavant étaient mêlées ensembles, ont été distinguées et séparées. Et la terre a produit
puis après, et enfanté les animaux, qu’elle contenait au dedans de soi. A savoir les uns à quatre
pieds, les autres n’en ayant point, mais seulement qui se coulant et traînant sur la terre, les aucuns
sauvages, les autres champêtres, les autres domestiques. Mais le père, qui est intelligence, vie,
lumière de toutes choses, voulant par un haut fait consommer les oeuvres, a créé l’homme à son
image et semblance : et lui, comme à son propre et naturel fils, s’est enjoui et complu. Et ce à cause
qu’il le voyait être accompli en toute beauté, et qu’il portait l’image et semblance de son père et
créateur. Car Dieu au vrai dire fort delecté en


LA PHILOSOPHIE NATURELLE


sa propre figure, et illustre marque, qu’il voyait reluire en l’homme, à voulu que toutes les oeuvres
qu’il avait faites auparavant, fussent asservies à l’homme pour son usage. Lequel se voyant seul
après Dieu avoir la domination sur toutes choses, et regardant comme Dieu les avaient crées en
temps et en lieu, il a pareillement attenté de sa part à l’exemple du Créateur de faire le semblable
que lui. Dont est tombé de là contemplation de son père le Créateur en la sphère de génération. Et
comme fût qu’il obtint la puissance sur toutes choses, il a aussi élevé son entendement vers l’oeuvre
des sept gouverneurs du monde, afin de comprendre par la vivacité de son esprit, leurs offices et
actions. Dont eux s’essouflant de l’appréhension et vouloir humain, un chacun d’eux a rendu
l’homme participant de son propre ordre et discours. Lequel après avoir appris et connu leur essence
et ressort, et vu leur propre nature desia fort désireux pénétrer par le moyen de son esprit, résoudre
et expliquer, que pouvoir être la rondeur et circuit de ces cercles : et comprendre la vertu du
gouverneur qui préside au feu. Et qui se voyait avoir eu en Dieu la puissance et domination sur
toutes bêtes brutes et sans raison, il s’est élevé, et par une harmonie est sailli jusques es cieux, les
pénétrants jusques à avoir leur entière connaissance, et donner solution d’iceux et démontrer


LA SEMBLANCE DE L HOMME EN L EAU


Démontrer par vive raison la nature qui pend contre bas n’être autre chose qu’une belle face et
figure de Dieu. Lequel homme après avoir bien et diligemment spéculé la beauté de cette nature être
fort plaisante et agréable, ensemble tout l’oeuvre et action des sept gouverneurs : et même qu’il
possédait l’image et semblance de son Dieu, il lui a soubris, et d’un affectueux amour favorisé. Et
ce à raison qu’il spéculait en l’eau comme l’image et caractère de l’humaine beauté, et quelque
grande merveille d’icelle être cachée et muselée en la terre. Se voyant donc avoir une semblable
effigie comme il la voyait en l’eau, l’a grandement aimée, désirant se mêler avec elle afin
d’engendrer et procréer son semblable. Quant et quant l’effet à ensuivit sa volonté, dont a engendré
une forme aliene toutes fois et non participante de raison. Mais nature aimant cela en quoi du tout
était transporté et ravi son désir, c’est avec icelui mêlée et conjointe. Car entre toutes bêtes
terriennes, l’homme seul est estimé de double nature. Mortel premièrement à cause du corps,
secondement immortel au cause de l’homme substantiel, c’est-à-dire, de l’âme.
Car au regard d’elle, il n’est nullement soumis à la mort, et par cela obtient la maîtrise et
domination sur toutes autres créatures de ce monde. Mais toutes autres choses vivante et sujettes

LE PECHE DE L HOMME


à fatales destinée, l’endurent des deux côtés. L’homme donc a été autres fois supérieure harmonie
(c’est-à-dire tout céleste) mais étant tombé en l’harmonie inférieure de ce monde (c’est-à-dire, après
avoir décliné de la contemplation de Dieu son père, tournant son vouloir aux choses caduques et
fragiles de ce monde) a été serf, et quant à son corps, soumis à toute calamité et infortune. Etant ce
néant moins muni de fertilité des deux sexes par celui qui est la source et origine des arbres et
ruisseaux, et maintenu soigneux et vigilant par celui qui jamais ne dort, pour régir et gouverner ce
qui lui a été soumis, est contre gardé que totalement ne périsse. Or entend que c’est ci le mystère
qui a été jusqu’à présent au genre humain. Car nature se mêlant avec l’homme, a fait un miracle, qui
surmonte l’admiration et merveille de tous autres miracles. Car lui bien instruit par le père et l’esprit
(desquels ai parlé un peu au dessus) de l’harmonie des sept gouverneurs, et enseigné qu’elle était
leur essence et propriété, nature n’a aucunement restitué. Mais qui plus est, elle a soudain fait et
produit sept hommes selon les natures et propriétés des sept gouverneurs, participants ensemble de
masculin et féminin sexe. Ne me pouvant plus contenir, j’ai à la fin ainsi inféré. Ô Pimander divine


L’AME ET L ENTENDEMENT

divine puissance, j’ai un peu au dessus été épris d’un passionné désir de savoir, et connaître les
secrets de la nature, lesquels vous a plu me déclarer : au réveil sera en vous, s’il vous vient à gré de
par finir le surplus, et de ne me laisser suspend, et douteux en aucune chose concernant les affaires
de nature.


A quoi me répondant, a commandé me taire, attendu qu’il n’avait pas (ainsi qu’il disait) encores
parachevé son premier propos. A donc dit. Tu dois savoir, que la génération des sept gouverneurs
(comme j’ai dit) a ainsi été faite : car l’air féminin et l’eau idoine de concevoir a du feu pris la
maturité, et du ciel l’esprit : et ainsi nature a conglutiné les corps pour au vif tirer l’humaine espèce.
Mais elle n’a pas procédé à faire l’âme et l’entendement, de vie et lumière indifféremment. Car la
vie lui a donné l’âme, et la lumière l’entendement. Or faut entendre que tous tels membres
provenaient des sens du monde jusque à la fin de la révolution et circuit des principautés, et
commencements, ensemble de tous genres. Au surplus entends, et retiens le reste de mon propos,
lequel naguère tu disais avoir si grand vouloir d’ouïr, et entendre. Le circuit finalement des sept
Gouverneurs parachevé et révolu, le noeud de toutes choses (comme Dieu a voulu) a été délié. Car
tous animaux tant masculins


L AMOUR DU CORPS


masculins que féminins, et l’homme pareillement, qui auparavant ne pouvait engendrer ni
concevoir, ont été dissous. De manière que les mâles d’une part, et les femelles de l’autre, se fassent
et se parfassent.


Et Dieu incontinent par sa sainte parole a crié à haute voix. Produisez, croissez, et vous dilatez,
toutes mes semences, et toutes mes oeuvres. Vous aussi auquel est prêté quelque portion part est
entendement, reconnaissez votre genre, et considérez votre nature être immortelle. Sachez que
l’amour et affection désordonnée de ce corps, est cause de la mort. Apprenez donc parfaitement la
nature de toutes choses. Ce dit, la divine providence par une fatale destinée, et harmonie, a inspiré
les corps de tous animaux tant mortels, comme immortels, les missions des semences génératives :
et ainsi a ordonné les générations, dont toutes choses selon leur genre propre et naturel se sont
entendues, et dilatées. Finalement celui qui s’est reconnu sans tomber en infâme, ingratitude et
méconnaissance des biens du Seigneur, et auteur de tout bien, a conquis ce souverain bien, qui est
sur toute essence. Mais celui qui a été trop curieux de ce corps mortel, et qui l’a outre mesure aimé,
s’est enveloppé es horribles ténèbres de la mort, apercevant assez par ses sens les maux et
calamités,


LE PECHE D’IGNORANCE

calamités, qui d’elle proviennent. A ce propos je l’ai ainsi interrogé. Que délinquant tant les
ignorants, pour être ainsi privé d’immortalité ? Me reprenant aigrement, me dit que je montre
n’entendre pas assez ce que de lui ai entendu. A quoi lui répondis, que ores que j’eusse dit de prime
face ne l’entendre, s’il est ce qu’a donc le comprends, et en est bien records : fort qu’il y a encore
une chose à laquelle ne me peux assez émerveiller, à savoir pour quelle raison sont dignes de mort
ceux qui meurent. Et dit que c’est à cause d’une ombre triste et hideuse, laquelle a précédé leurs
propres corps, de laquelle est issue nature humide, dont a été fait le corps de l’homme en ce monde
sensible, duquel corps procède la mort. N’entends-tu pas bien cela, ô Mercure, dit-il ? Tu entends
aussi (comme j’estime) la raison pour laquelle au contraire celui qui se connaît et obéis à Dieu, est
mué en nature divine, ainsi que le Verbe divin te l’a donné à entendre. C’est, dis-je (comme je
pense) à cause que le père de toute choses, qui est Dieu, duquel l’homme a sa naissance, consiste de
vie et de lumière. C’est cela, dit-il, tu dis bien. Car Dieu le créateur et père de toutes choses, est
lumière et vie, par lequel est fait et crée l’homme. Si donc tu te connais être de cette vie


et lumière fait et compose, tu monteras lassus en la vie et lumière. Ceci entendu je l’ai en outre
requis à me déclarer plus à plein le moyen, qu’il faut tenir pour parvenir et atteindre à cette lumière
et vie perdurable. A quoi me fit réponse que Dieu, qui est suprême puissance, qui participe de
raison, pour se faire a commandé à l’homme, qui participe de raison,
se connaître soi même. Dont insérant, je lui dis que un chacun n’a pas sens et entendement à ce
faire. Non (m’a-t-il dit) c’est parlé sagement Mercure. Car moi Pimander puissance divine, je donne
secours et aide aux bons, et gens de bien, qui sont purs et nés de conscience, et qui craignent Dieu,
et lui portent honneur et révérence, comme il lui appartient, et qui veulent toujours en cela
persévérer, et vivre vertueusement, et ma présence leur favorise en tous lieux, et donne support, de
manière que tout soudain ils connaissent et entendent toutes choses, et ont le père céleste favorable,
propice, doux, et béni, en tout ce qu’ils le requièrent. Et par ce, eux comme gens de bien, et non
ingrats, lui rendent grâce bien dévotement, et avec hymnes, et cantiques solennels, le collaudant et
magnifiant, et offrent librement leurs corps à la mort. Finalement fuient tous délices corporels,
voyant clairement combien sont périlleux tous attraits,


LA TENTATION DU DIABLE

attraits, et allichements de la chair. D’avantage moi divine puissance exerçant l’office d’un portier,
ne permets ceux qui tombent es lacs, embûches et tentations de la chair, finir leur vie comme gens
de bien: ains (avant/mais) avant leurs jours je ferme de toutes parts la voie, par où les infâmes
voluptés, et autre lubricités corporelles ont coutume de couler es parties du corps, en étreignant tous
leurs nourrissements, et pâtures. Et que je suis prête et appareillée de survenir aux bons, d’autant au
contraire je suis éloignée de gens sensuels, étourdis, méchants, paresseux, ennuyeux, iniques,
homicides, et de tous autres vices pollues : les laissant à la puissance du diable, pour se venger de
telles iniquités. Lequel embrassant de plus en plus la fournaise de leurs perverses volontés, affligé et
tourmenté leur sens. Et beaucoup plus journellement induit l’homme à perpétrer telles énormités et
délits, afin qu’icelui soit soumis à plus grief tourment, qu’il a plus grièvement offensé. Et sans
aucun intervalle, il l’incite à insatiables concupiscences : avec lui se combat les ténèbres, examine
son péché, et augmente l’impétuosité et ardeur du feu, pour lui donner plus grief et horrible
tourment. A donc lui dis. Ô divine puissance, vous m’avez soigneusement, de votre grâce, expliqué
et donné à entendre tout ce que je demande, forf


LA DISSOLUTION DU CORPS ET DE L’AME

que je veuille bien qu’en outre vous m’exposiez ce que doit avenir après la mort d’un chacun de
nous. En premier lieu (dit-il) il te convient entendre que au définement et résolution de ce corps
matériel, il se change en une autre nature, et se déguise : de manière que la figure qu’il avait
auparavant se cache, et se fait insensible désormais, c’est-à-dire, se réduit en poudre jusques à ce
que nous ressuscitions en corps et âme. Les méchantes moeurs pareillement que l’homme avait, sont
au diable délaissées. Les sens corporels, qui était une partie de l’âme, recoulent en leurs premières
sources et fontaines. Lesquels à quelques fois doivent ressusciter en leurs premières offices et
actions naturelles. En outre, les vertus irascibles, et concupiscibles se convertissent en une nature,
n’ayant aucune apparence de raison. A la fin ce qui reste de l’âme, retourne en haut par une
harmonie : et par ce moyen, est rendu à chacune planète ce qui lui appartient, c’est-à-dire, la
propriété et vertu, de laquelle un chacun homme participe. A la première, est rendu son office de
croître et décroître. A la seconde, la redoutable machination et malicieux contre ouvrage de tous
maux, et coûteuses déceptions. A la tierce, l’oisif alichement de concupiscence. A la quarte, la
fausse, et insatiable ambition, tendant toujours


LE SOUVERAIN BIEN

à dominer sur les autres. A la quinte, la profane arrogance, et audacieuse témérité. A la sixième, les
dépravées et méchantes occasions à parvenir à richesses. A la septième l’enraciné mensonge. A donc
l’âme dépouillée du motif de cette harmonie, ayant recouvré sa propre force et vertu, retourne en sa
tant désirée nature, avec ceux qui sont au lieu des bienheureux collaudant à toujours mais, avec
hymnes et louanges divines le père céleste. Lesquels tôt réduis, et colloqués lassus (au dessus) au
rang des puissances angéliques, et étant même faits puissances angéliques, ont pleine et entière
jouissance de Dieu.

Ce qu’est le souverain bien qu’un chacun qui se connaît doit singulièrement appéter, savoir est,
d’être fait Dieu. A quoi donc d’ici en avant dois tu ton soin et sollicitude appliquer, sinon puisque
ainsi est que tu as tout ceci parfaitement compris et entendu, tu sois aussi le guidon de ceux qui sont
dignes de ton travail, à fin que le genre humain puisse par ton moyen obtenir le salut divin ? Après
donc que Pimander m’a eu telles ou semblables choses déclaré, il c’est de moi disparu, et c’est
réduit au nombre des divines puissances. Et moi tout consolé, et fortifié de sa parole, et étant en tout
et par tout enseigné en l’ordre et propriété de nature, me suis levé de terre, en collaudant le père et
créateur de toutes choses, et lui rendant action de grâce

EXHORTATION SAINTE DE MERCURE


Grâce de m’avoir fait tant de bien, sans l’avoir désserui, de montrer si clairement tant et de si
merveilleux mystères. Et dès lors commençais à annoncer aux hommes et magnifier l’excellence et
beauté de sa divine bonté, et éminente science, en disant. Ô peuple terrien, qui t’es le temps passé
adonné à la jurongnerie, sommeil, paresse, et ignorance, vit dorénavant sobrement, et te garde de
cette infâme et déshonnête luxure, qui t’es tant délecté à cet irraisonnable et profond sommeil
d’ignorance. Eux donc obeissants à mon dire, tous d’un accord ont à moi adhéré. Ce que voyant, ai
plus outre inféré en les exhortant de leur salut. D’où vient cela, que vous tous terriens, vous vous
précipitez ainsi à la mort de votre pur et franc vouloir, attendu qu’avez pleine puissance d’une fois
acquérir (si vous voulez) le salut immortel de vos âmes ? Reprenez donc et rassemblez vos esprits,
et venez à vous connaître, qui avez été par ci devant si longuement ensevelis en l’ordre obscurité
d’ignorance, et pauvreté d’esprit. Eloignez vous, séparez vous de cette obscure et ténébreuse
lumière. Recevez cette immortalité ici, laquelle est devant vos yeux proposée, et mettez fin à cette
corruption de vie. A donc les aucuns obstinés, et endurcis en leurs vices détestables, après m’avoir
ouï parler, tournoient tout à moquerie,


LE FRUIT DE MERCURE

et me réputant comme insensé, ayant les yeux bandés d’infélicité et désespoir de salut, s’en allait
trébucher en la voie de mort et de perdition. Les autres émeus de mes paroles se jettent à mes pieds,
et à mains jointes me prient de les bien instruire et endoctriner en la voie de Dieu. Les soulageant
donc et attirant à moi, ai été fait leur capitaine, chef, et conducteur. Car je leur montre quel moyen il
faut tenir et garder pour acquérir le salut immortel, en toujours parlant à eux par paroles de sagesse
et prudence. En manière qu’ils se sont retirez des procelleuses tempêtes, et abîmes infinis de cette
obscure mer de ténèbres. Finalement quand le soir s’approchait, le Soleil déclinant en Occident, sur
toutes choses leur commande de bien et dévotement rendre grâces à Dieu pour tous les biens. Et ce
fait un chacun se couche en son lit. Moi pareillement après avoir impétré de Pimander ce de quoi
l’ai requis me déclarer, j’ai écrit et imprimé au profond de mon entendement ce singulier plaisir
qu’il lui a plu me faire, et me suis reposé, étant de ce grandement recréé. Tant que tout le sommeil
de mon corps n’était qu’une pensée et cogitation des choses divines. La clôture de mes yeux, qu’un
vrai regard d’icelles. Tout mon silence, qu’une fertile conception de toute bonté. La prola-


L’ACTION DE GRACES DE MERCURE

prolation de mes paroles, qu’un engendrement de tous biens. Toutes lesquelles choses n’ai su
aucunement ni connu, sinon seulement par Pimander, c’est-à-dire, par le verbe de la divine
puissance, Etant donc inspiré de l’esprit divin, ai su et connu l’entière et parfaite vérité de toutes
choses, dont ai rendu grâces de tout mon pouvoir à mon Dieu, à la manière que s’ensuit. Sois
sanctifié mon Dieu père éternel de touts choses. Sois sanctifié mon Dieu, qui fait et accomplis ta
volonté de ta propre puissance. Sois sanctifié mon Dieu, qui toi-même te donne à connaître à tes
familiers et amis. Sois sanctifié mon Dieu, qui as fait et constitué toutes choses par ta sainte parole.
Sois sanctifié mon Dieu, duquel l’image et figure est toute nature. Sois sanctifié, qui ne fus donc
formé ni créé par nature. Sois sanctifié, qui es incomparablement plus puissant qu’aucune
puissance. Sois sanctifié, qui es plus excellent que toute excellence. Sois sanctifié, qui es meilleur
que toute louange. Reçois les saints sacrifices de mes paroles, que je t’offre d’un coeur franc et
entière volonté, comme il t’appartient être fait, qui es ineffable, et qui doit être loué et magnifié
seulement du coeur de ceux qui fuient les fallaces et déceptions de ce monde, entièrement contraires
à la connaissance de vérité. Donnes moi ce qu’il


LA FOI DE MERCURE

te semblera m’être bon et profitable. Fortifies moi et corrobore en ta sainte grâce, et fais d’icelle
participants ceux qui sont en ignorance, qui sont mes frères par consanguinité du premier père
terrien, et tes enfants par création. Et de fait aussi je te donne ma foi totalement, et n’ai fiance ni
créance en aucun sors qu’en toi mon souverain Dieu et protecteur. Et de toi, selon mon petit
pouvoir, je donne témoignage, en croissant toujours, et m’élevant, et fortifiant en toi, qui es la vie,
et lumière donnant clarté à ceux qui en toi seul se fient et appuient. Car l’homme sachant que tu es
le père digne de toute louange, et que tu l’as fait à ton image et semblance, a espérance d’avoir à la
fin fruition de ta béatitude, et perpétuelle félicité, attendu qu’en ce mortel monde lui as donnés la
puissance et domination sur toutes autres choses par toi faites et crées.

L’argument du second Dialogue.


L’HOMME ET LA RAISON

En ce second, il déclare que Dieu est à l’homme seul sur toute créature intelligible, au moyen de
raison, de laquelle il participe. Il veut donner à entendre que c’est que Dieu, et le cherche à cette fin
par le centre de la terre, par le Pôle, par le lieu auquel sont toutes choses mues et agitées, ensemble
par les formes et espèces de toutes choses en prouvant que c’est lui, à l’entour duquel, auquel, et
duquel elles sont mues, étant néanmoins toujours stable et immobile : quant à soi continuellement
tout un, sans variation ou altération aucune. Il prouve en après n’être rien en ce monde qui puisse
être vide, mais au contraire ce qui semble l’être, être sur toute chose plein. Il veut pareillement
montrer à Esculapius par ses réponses, être trop plus facile de ne savoir que c’est que Dieu, que de
dire que c’est au vrai. Que c’est toutefois un absolu et parfait bien, et le père, duquel l’office est
d’engendrer toutes choses. Ce qu’étant entendu de la génération intérieure de Dieu, laquelle est et
demeure toujours en sa divine nature, s’accorde à notre religion chrétienne. Ce qu’il dit aussi que le
nom de bien convient à Dieu seulement, et non à autre, est accordant à la vérité évangélique, où il
est dit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul est bon fort qu’en seul Dieu. Et ce qu’il met à la fin de
l’extrême calamité de ceux qui décèdent sans enfants, est une sentence cachée, ayant autre
intelligence que la littérale. Car


HERMES ET DE MERCURE A ESCLAPIUS

il faut entendre cela non de l’engendrement du corps, mais de celui de l’âme : les enfants de
laquelle sont les conceptions de vertu, dont le mâle est la sapience, afin de contempler Dieu et sa
très divine puissance. En quoi nous est donné doctrine de fuir sur toutes choses la stérilité de l’âme,
et engendrer lignée, laquelle nous puisse faire quelque fois bienheureux ; et d’imiter par ce moyen
(et tant qu’à nous sera possible) par la fécondité de notre entendement celle de notre père, qui
continuellement engendre.


UN TRAITE ET DISOURS GENERAL DE MERCURE A ESCULAPIUS DIALOGUE II


Quant à Dieu et à sa divinité même, je dis maintenant que c’est une chose qui ne fut donc engendrée
ni crée, car de fait elle ne l’est point. Laquelle chose si elle est divine ; elle est essence. Mais si c’est
Dieu même, aussi est-il toute essence. Ce que certes se doit entendre en telle manière. Car Dieu
premièrement ne s’entend pas soi même en la sorte que nous l’entendons (qui se fait par intelligence
sensuelle et créée, par quelque espèce de soi même distincte et séparée) mais il s’entend seulement
par sa propre essence, et par un très simple acte.

DIEU UNE PUISSANCE NON LIMITEE


Et que ainsi soit entends que l’intelligence de tout ce que l’homme aperçoit lui advient et échoit
peu à peu par ses sens. Dieu donc ne s’entend pas soi même ainsi : au moyen qu’il n’y a rien étant
de soi même, comme est Dieu, qui se donne à entendre autre chose, que ce qu’il y a grande
différence de lui à nous, à cette occasion il est entendu de nous par quelque accident (c’est-à-dire)
par le moyen de la raison, de laquelle nous participons. Or s’il advient que lieu se puisse entendre,
non pas toutefois Dieu : mais pour mieux dire, ne lieu aussi ce peut assez connaître, que ce soit,
sans quelque adjonction. Mais s’il advient qu’il se connaisse ainsi que Dieu, non certes ainsi que
lieu, mais comme un acte divinisé. Aussi tout ce qui reçoit motion ne le reçoit pas en ce qui est mû :
mais en quelque fermeté. Ce qui aussi meut une autre chose, il faut qu’il soit fixe et immobile. Au
moyen qu’il est impossible qu’il puisse être agité ensemble avec ce qui est mobile.


ESCULAPE : Comment se fait-il donc Trismegiste que les choses qui sont en ce monde, soient
changées avec celles qui sont agitées ? Car tu as autre fois dit que les sphères erratiques se
mouvaient par le moyen de celle qui est fixe.

TRISMEGISTE : Ce que tu appelles mouvement


LE MOUVEMENT DES CIEUX

ne se doit ainsi appeler, ô Esculape, mais plutôt résistance, et contrariété. Car tu dois savoir que les
sphères ne cheminent pas de même sorte et moyen, mais au contraire l’une de l’autre. Et par ainsi
leur opposition et contrariété, contient le froissement ferme du mouvement. Car la répercussion de
la fermeté, est l’agitation d’icelles. Et par ce les sphères erratiques subalternativement, et totalement
au contraire l’une de l’autre discourant ensemble, l’une deçà, l’autre delà, par une contrariée
rencontre propre d’une chacune et particulière auprès de telle opposition, sont agitées et émues par
celle qui est stable qu’on appelle premier motible. Ce que véritablement ne se peut autrement faire.
Et qu’ainsi soit je te voudrais demander : ces deux signes que l’on appelle vulgairement Ourses
(lesquels tu sais ne se lever ni coucher, ne hausser ni baisser) recourant sans cesse à l’entour du Pole
Arctique, qu’en dis-tu ? Te semble-t-ils se mouvoir, ou bien être fermes, et consister sans aucun
mouvement ?


ESCULAPE : par celui qui court sans cesse et tournoie à l’entoure du Pôle.


TRISMEGISTE : Mais je dirais que ce tournoiement ou circuit, qui ainsi tournoie à l’entour du
Pôle, fût un mouvement contenu et”