Le Corpus Hermeticum d’Hermès Trismégiste 1
Version de 1577 de Loys lazarel
Corpus Hermeticum d’Hermès Trismégiste, de Loys lazarel
Introduction
Pourquoi mettre en ligne dans le Temple d’Hermès Trismégiste une version du corpus
hermeticum en vieux françois, alors qu’il y en a déjà une en langage contemporain ?
Pour au moins deux raisons :
La première, concernant un texte qui nous vient du font des âges, il est toujours intéressant de
pouvoir comparer les multiples traductions afin de parvenir à saisir, en dehors des modes
syntaxiques, l’essence d’une connaissance intemporelle.
La deuxième, il me paraît hautement utile d’offrir à ceux qui voudront faire l’effort, de traduire
une partie de chaque page de ce texte, en langage contemporain, selon l’interprétation profonde que
chaque participant en aura perçu.
Ceux qui s’adonneront à cet effort découvriront tout l’intérêt personnel de la chose.
En effet, une lecture d’un texte, même avec une attention soutenue et une ouverture d’esprit très
grande, ne permet jamais d’éprouver les connaissances d’une texte hermétique autant que les efforts
qu’il faut faire pour d’une part le traduire mot à mot, et d’autre part en saisir le sens universel. Cet
exercice provoque, comme le constateront ceux qui s’y adonneront, une mystérieuse alchimie
spirituelle qui consiste en l’activation de sens subtils que nous ne sollicitons que trop rarement, et
qui finissent par s’atrophier par manque de pratique.
Atrophie qui condamne hélas l’être humain à ne nourrir que l’animal égotique mortel, privant de
substances vitales l’âme-de-vie par essence immortelle, et sans lesquelles substances elle se
condamne à végéter dans la sphère temporelle.
Lug, le gardien du Temple.
Corpus Hermeticum d’Hermès Trismégiste, de Loys lazarel
SAGESSE PURIFIANTE ET VOLONTE.
PRIVILEGE DU ROY
Il est permis à Estienne Groulleau, libraire à Paris, faire imprimer et mettre en vente deux livres de
Mercure Trismegiste Hermés : l’un de la sapience et puissance de Dieu : l’autre de la volonté de
Dieu avec un dialogue de LosLazarel poète chrétien, qui ont été par ci-devant reçus et approuvés et
de nouveau reçus sus le Grec par Messire Gabriel du Préau. Et défendu à tous imprimeurs, libraires
et autres marchands quels qu’ils soient imprimer ou faire iprimer, mettre en vente i celui livre
jusque 6 ans prochainement venans, à conter du jour et date que lesdits livres seront achevés
d’imprimer. Et ce sur peine de confiscation desdits livres, et d’amende arbitraire au Roy applicable.
Ainsi qu’il apert et est plus à plain contenu par lettres et privilège dudit seigneur.
Donné à Paris le XXI de mai mille cinq cent cinquante sept. Siné par le conseil de Courlay.
Et scellé sur queuë de cire jaune. Achevé d’imprimer les jours de juin mille cinq cent cinquante
sept.
Hermès Mercure
A L’ILLUSTRE ET VERTUEUX Seigneur Jacques de Basordan prothenotaire apostolique, docteur
es droits, conseiller et aumônier ordinaire du Roy, neveu de monsieur de Termes, chevalier de
l’ordre du Roy et son lieutenant général en Piedmont Gabriel du Preali donne salut.
Monsieur dès lors que j’eu tant de faveur que par le moyen de vos bons amis et les miens ouverture
me fut faite à votre noble personne, tant pour le savoir, prudence, intelligence, honnêteté, bon
naturel, et affectionné désir es bonnes science, que j’avais premièrement entendu être en vous par le
narré de plusieurs, et que en un instant je cogneu vous accompagner, que pour la recommandation
qu’avez es personnes qui approchent du rang que vous tenez en vertu et savoir désir me vint de vous
découvrir et faire paraître quelque témoignage de mon intention, prêt à faire service à vous et aux
vôtres. Ce témoignage ne s’est pu trouver en mon endroit plus sûr et certain, que par l’offre de mes
labeurs à votre excellence, et entre autre de cestuy. Lequel connaissant être favorable à votre
naturel, tendant toujours à hautes choses, comme est son sujet qui traite
VIE D’HERMES MERCURE.
Il faut entendre que du temps que naquit Moyse (qui fut l’an du monde deux mille trois cents
septante quatre, de la servitude des Hébreux soixante quatre avant Jésus Christ, mille cinq cents
nonante huit, florissait en Egypte un astrologue de fort grand renom et expérience, nommé Athlas,
frère de Prométhée, homme de ce même temps fort estimé en physique et aïeul du côté maternel du
grand Mercure, duquel fut neveu Mercure Trismegiste auteur du présent livre : homme certes de
singulière et mémorable vertu, fort noble et excellent mathématicien, ainsi que l’est tout rectte (?) St
Augustin. Encore que Ciceron et Lactance Firmien dirent qu’ils furent cinq, qui tous
consécutivement les uns après les autres, portèrent le nom de Mercure : et que le cinquième d’entre
eux fut celui qui des Egyptiens est nommé Thot, ou autrement Tempungina, et des Grecs
Trismegistos. Lequel ils affirment avoir défait Argus, et tenu l’empire et domination sur les
Egyptiens et leur avoir baillé avant tous autres, leurs lois et lettres. Les caractères desquelles dressa
et institua par figures de bêtes et d’arbres, à fin d’avoir à elle plus facile
VIE DE MERCURE.
et patente ouverture. Et fut en si grande estime des hommes, pour icelle sienne intégrité, bonté,
prudence, diligence, savoir, débonnaireté et toutes autres vertus, lesquelles étaient parfait et
accompli, qu’ils le mirent au nombre de leurs dieux, et bâtir plusieurs temples en son nom. Lequel
nom propre n’étant à nul loisible ne permis vulgairement et témérairement proférer, tant lui était
porté d’honneur et révérence. Duquel nom les Egyptiens dénominèrent le premier moi de l’an. Ils
lui dédiaient aussi tous les livres qu’ils écrivaient, le disant inventeur de toutes choses, Prince et
auteur de sapience et éloquence. Il édifia pareillement une ville : laquelle jusqu’à présent retient son
nom, et s’appelle Hermopolis, c’est-à-dire, la cité d’Hermes. Il fut aussi nommé par eux
Trismégistus, qui veut autant dire, comme trois fois très grand et souverain, à raison qu’il fut très
excellent philosophe, très souverain sacrificateur, très vertueux et magnanime Roy. Car les
Egyptiens (ainsi que récite Platon) avaient alors coutume d’élire leurs prêtres du nombre des
philosophes et l’un d’entre eux créer Roy. Tout ainsi donc qu’il surpassait et excellait tous autres
philosophes en subtilité d’esprit et savoir étant aussi constitué en l’état et dignité de pontificale
prélature, il passait tous autres pontifes en sainteté de vie et divine religion. Etant finalement élevé
en Royale sublimité, il fit tant par si bien
VIE DE MERCURE, PLATON
administrer les lois, ordonner louables coutumes, régire toute la police et justice humaine, en
punissant les méchants, et guerdonnant les bons : ensemble par les siens hauts faits, vaillances,
prouesses, et mémorables exploits d’armes, qu’il obscurcit et diminua la gloire de tous les autres
Rois qui l’avaient précédé. Dont vint, qu’il mérita être à bonne et juste cause, appelé nommément
trois fois très excellent et souverain. Ce fut lui, qui premier entre tous philosophes après avoir
soigneusement versé en Physique, et arts Mathématiques, et les avoir parfaitement compris, éleva
son esprit à contempler les choses divines. Ce fut lui qui premier avant tous humains, très sagement
disputa de la majesté de Dieu, de l’ordre des Anges, du changement et mutation des âmes. Ce fut lui
qui pour cette cause fut jadis appelé auteur de Théologie, réputé Dieu d’éloquence, d’engin, et
bonne invention. Duquel fut imitateur Orphéus, qui obtint le second loz en l’ancienne Théologie.
Auquel succeda Agleophémus. Après lequel vint Pythagoras. Lequel Philolaüs précepteur et maître
du divin Platon ensuivit. La secte donc de l’ancienne Theologie (à foi autant acordante et unie que
nulle a depuis été) eu sa confirmation en six doctes et experts Théologiens : prenant sa source et
origine de Mercure et du divin Platon son entière perfection et accomplissement. Ce que puis après
si fort émeut les esprits humains, et spécialement ceux de celle nation
EGYPTE ET RELIGION ANTIQUE.
Egyptienne, à toute vertu, arts et savoir, que nul anciennement était réputé docte entre les Grecs et
Athéniens, ne reçu pour homme vertueux, qui n’eut passé jusqu’en Egypte pour être instruit des
Prophètes, Philosophes, Prêtres et Gymnosophistes du pays des lois, sciences, et arts tant de
Théologie, Arithmétique, Musique, Géométrie, Cosmographie, et Architecture, que autres. Comme
firent de ce temps là Museus, Melapus, Homerus, Licurgus, Democritus, Eudoxus, Solon, Inopis,
Dedalus, et plusieurs autres excellents Philosophes Grecs. Entre lesquels (en me taisant des autres)
cestuy Mercurius duquel est nôtre présent propos, a écrit plusieurs livres, faisant à la connaissance
des choses divines. Es quels, ô Dieu immortel ! combien grands et profonds mystères, sont
déclarés ! Combien d’admirables Oracles y sont découverts, et manifestés ! et si ne parle pas
seulement ainsi qu’on Philosophe : ains (avant) souvente fois comme un Prophète, en ce qu’il prédit
les choses à venir. C’est celui, qui a prévu la ruine et destruction de la religion antique, et l’origine
de la nouvelle foi. L’avènement du Messie, le futur jugement de Dieu, la résurrection des morts, la
rénovation du monde, la gloire des bienheureux, et la justice des malheureux. C’est pourquoi fait
doute St Augustin, s’il a su beaucoup de ce qu’il a proféré, ou par le savoir et expérience des astres,
ou par révélation des diables. Tant y a que Lactace n’a craint, le mettre au rang
PROPHETE ET SYBILLES.
des sibylles et Prophètes. En outre plus entre plusieurs livres par lui faits et composés qui par
l’injure des temps ont été perdus il y en a deux fort singuliers, pleins de très saints mystères, et
oracles célestes. L’un de la puissance et sapience de Dieu, l’autre de la volonté de Dieu. Celui là
étant intitulé Pimander, et traduit de Grec en Latin par Marcilius Ficinus : celui-ci Asclepius, et
tourné de Grec en latin par Apuleius Platoniste. Desquels deux livres voyant l’obscure, et difficile
intelligence (voire plus qu’en livres qui furent donc faits) ensemble le profond savoir avec le grand
fruit que l’on pourrait tirer et recueillir d’eux, pourvu qu’ils fussent un peu plus éclairés et illustres
par notre langue Française, qu’ils ne sont en la Latine, et même en leur primitive et naturelle, qui est
l’Egyptienne, et puis après la Grecque, à cette occasion, l’ait tant fait par mon travail et labeur, que
les ai tournés de la Grecque en la nôtre Française : sinon comme il appartenait à la hautesse et
majesté de l’auteur, à tout le moins en tant que l’ai pu par la faiblesse de mon petit esprit, et au plus
près de la vraie, saine et entière intelligence. Ce que certes ai voulu faire pour deux causes. L’une
afin que soyons muni non seulement du bouclier de la foi, ains (avant/mais) aussi de toute autres
armures (qui sont les choses naturelles, par lesquelles celui-ci avec divine inspiration, a connu Dieu,
et l’a ainsi donné à connaître en ses livres, qui autre chose
PROVIDENCE.
ne traitent) pour ruiner et déconfire plusieurs faux prophètes, mécréants, et infidèles Atheïstes, qui
pour le jourd’hui font sortir au monde des infernales contrées et stigieux palais avec leur chef et
Capitaine Sathan ; pour ruiner et mettre jus (sous leur domination), (s’ils peuvent) la providence de
notre père, qui est Dieu, comme gens insensés et hors des limites de bon sens, raison, et
entendement. L’autre cause qui m’a induit à ceci, a été afin d’exerciter mon esprit, et d’attenter si je
pourrais faire quelque chose plus que beaucoup de gens doctes, lesquels (comme l’ai entendu) se
sont efforcés de le traduire, sans toutefois en venir à chef, et en donner le parfait sens et solution. Or
pour descendre parvenir à ce qu’à écrit Mercure, il faut savoir que le premier livre est intitulé
Pimander, à raison qu’entre quatre personnes qui en ce dialogue disputent, le principal est attribué à
Pimander. Il faut entendre en outre qu’il a écrit tout ce qu’il a fait premièrement en langue
Egyptienne, et qu’étant même savant et expert en la Grecque, l’a par ce moyen transporté aux Grecs
: leur communiquant les mystères des Egyptiens. Son propos et intention, touchant ce présent
oeuvre, est de traiter de la puissance et sapience de Dieu. Desquelles deux attendu qu’il y a double
opération, dont la première se maintient toujours et persiste en la nature de Dieu, et la seconde
s’étend en toutes choses qui sont reculées de la divine majesté, et que celle-là conçoive le premier et
LA SAPIENCE DE DIEU.
éternel monde, celle-ci le second et temporel : il dispute très constamment de l’une et de l’autre
opération, ensemble de l’un et l’autre monde. En déclarant que c’est que la puissance et sapience de
Dieu, et quel ordre l’un et l’autre tiennent à concevoir intérieurement, et comme ils produisent
extérieurement. Au surplus comme les choses qui sont crées se maintiennent ensemble et se
comportent en quoi elles s’accordent les unes aux autres, et en quoi elles différent et se
conjoignent : finalement comme elles regardent leur auteur. Quant à l’ordre du premier livre, il est
divisé en quatorze dialogues, dont le principal personnage, est attribué à Pimander, le second à
Trismegistus, le tiers à Esculapius, le quart à Tatius. L’intention donc de Mercure est de vouloir
enseigner Esculapius et Tatius son fils es choses divines : ou certes il convient entendre de nécessité
celui-là ne les pouvoir nullement enseigner, qui ne les a apprises. Or ne pouvons nous par humain
esprit comprendre ce qui surpasse nature humaine. Qui fait qu’il soit besoin de lumière divine pour
voir le soleil, par la même lueur du soleil. Mais la lumière de l’entendement divin jamais ne s’épand
en l’âme, si ainsi que la Lune au Soleil, ne se convertis totalement en entendement divin. L’âme ne
se convertit en tel entendement si elle ensemble avec lui ne se fait entendement. Mais elle ne le fait
entendement premier qu’elle n’ait rejeté de soi toutes sensuelles déceptions et toutes de la fantaisie.
A cette cause notre Mercure se dépouille de ses ténèbres sensuelles et fantastiques, et se retire au
conclave et lieu secret de son entendement. Dont tout soudain Pimander, c’est-à-dire la pensée
divine, entre lui et elle fait son séjour. Dont vient qu’il contemple l’ordre de toutes choses, tant de
celles qui sont en Dieu, comme de celles qui procèdent de lui. Finalement il déclare et manifeste
aux autres, les choses qui lui sont révélées par la lumière et inspiration divine. Ici donc est le titre,
intention, et ordre des livres de Mercure.
PYMANDRE, premier dialogue
En ce présent Dialogue, ainsi qu’il plaît toujours à notre Dieu donner quelque notice, et lueur de sa
connaissance à ses créatures par quelques indices (sauf l’honneur toutefois, et vénérance des vrais
Prophètes, et de la religion Chrétienne) il semble que Mercure traite mêmes mystères que Moïse,
occultement toutefois, et sous paroles couvertes. Moïse décrit avoir vu les ténèbres sur la face de
l’abîme, et l’esprit de Dieu être porté sur les eaux. Celui-ci du, avoir vu une ombre merveilleuse et
horrible, qui se convertissait en une nature humide, qu’entretenait en chaleur le Verbe de Dieu :
Moïse dit, toutes choses avoir été créées par la puissante parole de Dieu. Celui-ci dit, que ce Verbe
lumineux qui toutes choses illumine, est le germe de la pensée divine, et le fils de Dieu : et que le
père, qu’il appelle pensée divine, et le fils, qu’il nomme le Verbe, ou la parole de ladite pensée à
sont
PYMANDRE, LE VERBE DE DIEU
point différents en nature, pour autant (comme il dit) qu’ils sont consubstantiels. Il a pareillement
vu en esprit leur union et hypostase. Et si plus « plein tu le désires savoir, ou qu’il soit loisible et
permis d’attribuer aux hommes une si grande connaissance du Verbe de Dieu premier qu’il prit le
voile de notre humanité, il a veut comme le fils s’engendre du père, et comme le saint esprit par un
ineffable mystère procède du père et du fils, quand il dit : mais cette divine puissance qui est Dieu,
avec son verbe a produit une autre suprême puissance, qui n’est avec lui qu’un Dieu, qu’un feu,
qu’un esprit, qu’une divinité, et majesté. Il à vu d’avantage la divine pensée par son abondante
fertilité s’étendre aux choses étranges, et reculées de sa divine majesté : et à l’exemple de son verbe
divin former toutes choses, et distribuer à une chacune d’elles selon son genre, tant en l’air, comme
en l’eau, et en la terre, sa nature et propriété. Et comme un peu après il créa l’homme à son image et
ressemblance, auquel il donna la puissance, et domination sur toutes choses sensibles. Lequel
incontinent tomba de la sphère intelligible, c’est-à-dire, de la contemplation de son Dieu, et justice
originelle, en la sphères des choses corporelles, et concupiscibles. Donc c’est ensuivie l’origine, et
commencement de tous maux. Et finalement comme par permission divine a été délié le noeud de
toutes choses, et l’homme avec toutes les autres créatures a été soumis à la mort. Qu’est-ce
LA SAINTE PAROLE
d’avantage ce qu’il dit ici, Dieu avoir à haute voix crié par la sainte parole : Produisez, devenez
grands, et vous dilatez toutes mes semences, et mes oeuvres : sinon ce que dit Moïse : croissez, et
multipliez, et emplissez la terre ? En après Mercure nous instruit de la manière d’avoir accès à cette
divine pensée, et nous déclare l’erreur qui nous en recule et qui sont ceux auxquels cette divine
puissance favorise, et desquels elle s’éloigne. Et que comme tout ainsi que par certains degrés nous
tombons, et dégénérerons de l’intellectuelle, et immortelle nature est choses caduques : aussi que
par certains et opposites degrés, nous sommes réintégrez au premier état de notre pur et entier
esprit. Moïse par divine ordonnance fut conducteur du troupeau hébraïque, et Mercure de celui
d’Egypte : lequel il paît maintenant, et nourrit de sainte institution : maintenant avec humes et
action de grâce co-louant le père et créateur de toutes choses, il s’élève en la vie et lumière de
divine contemplation. Voila le sommaire et contenu de Pimander.
Dialogue I
Comme une fois je pensais à la nature des choses, et élevais la subtilité de mon esprit au ciel, ayant
mes sens corporels lors non moins assoupis, que ceux qui à cause de trop grande replétion ou
DE MERCURE A PYMANDRE
ou autre ennui et fâcherie qui leur auient , son de sommeil opprimés : soudain me sembla voir
quelqu’un de fort grande stature corporelle, qui par mon nom m’appelant, en telle sorte s’écriait.
Qu’est-ce, ô Mercure que plus tu désires ouir et voir ? Qu’est-ce que tu souhaites apprendre, et
entendre ? A donc tout transporté d’effroi, lui demandais qu’il était. Je suis, dit-il, Pimander, la
pensée de la divine puissance : parquoi regarde ce qu’auras vouloir de savoir, et entendre, car en
tout et partout t’aiderai. Lors lui fit réponse que j’avait grand vouloir d’apprendre la nature, essence,
et ressort de toutes choses : et principalement de connaître Dieu, le facteur d’icelles. A quoi me dit.
Emploie toi donc de tout ton coeur et affection, à m’aimer, et te rendrais savant et expert, en tout ce
que tu désires savoir et comprendre. Ce dit, changea la forme en laquelle s’était à moi apparu, et me
découvrit et révéla soudainement tout ce que je désirais. De sorte que je vis clairement un fort grand
réceptacle et épouvantable vision. Savoir est qu’il me semblait que toutes choses fussent converties
en une fort douce et aimable lumière, laquelle contemplant merveilleusement me délectais. Un peu
après quelque ombre horrible et émerveillable par un pli et tournoiement de travers, descendait peu
à peu par-dessous, laquelle se convertissait en une nature humide, émue d’un
UNE VOIE DE LUMIERE
grand trouble et émotion. D’où avec violence et impétuosité failloit une grosse fumée, faisant un
grand son duquel sortait une voix. Laquelle ai bien estimé être la voix de la susdite lumière. De
cette voix de lumière, est sortie la parole, laquelle aydant et prestant faveur a nature humide
l’entretenoit en chaleur. Mais des entrailles de cette nature humide un vrai feu s’envolant,
soudainement à cause de la légèreté à monter en haut. L’air semblablement, qui de sa nature est agil
et subtil obeissant à l’esprit, à obtenu et occupé le milieu de la région entre l’eau et le feu. Mais l’eau
et la terre étaient ensemble en telle sorte mêlées, que le dessus de la terre était tellement noyé et
abîmé, qu’en nul lieu n’apparaissait, lesquelles deux ont été puis après mûes et séparées l’un de
l’autre par le verbe spirituel, qui était porté sur eux, bruyant et retondissant de toute part alentour de
leurs oreilles. Alors me demanda Pimander si je comprends ce que dénote cette vision. Auquel fit
réponse que non : mais que j’avait grand vouloir de l’entendre, moyennant que son bon plaisir fût
me la déclarer. A donc dit. Cette lumière que tu as vue, n’est autre chose que ma puissance divine,
ton souverain Dieu et créateur, plus ancien incomparablement, que nature humide, qui est issue de
l’ombre. Mais le germe de la pensée divine, est le Verbe lumineux,
VOIT ET OYT
lumineux fils de Dieu. De quoi, m’émerveillant, quoi donc, dis-je ! Il est ainsi, dit-il, comme je dis.
Mais à fin que plus aisément tu l’entendes, penses que ce qui en toi voit et oit, soit le verbe divin, et
ton entendement soit Dieu le père. Car ils ne sont pas disjoints, ni séparés l’un de l’autre, mais entre
eux deux n’y a qu’une seule union et société de vie. A donc l’ai mercié du plaisir qu’il m’avait fait.
Et m’a admonesté de soigneusement considérer en moi-même avant toute chose, et de parfaitement
connaître la lumière, qu’avais vue auparavant. Tantôt qu’il a eu achevé son propos, je l’ai encore
derechef supplié de me donner à connaître son essence. Ce que fit tôt qu’il eu fait, j’aperçu
incontient en mon entendement avoir une si grande clarté, et de si grand force et vertu esprise, qu’il
ne m’est loisible de le savoir dire et raconter : comme si vous vouliez dire un feu grandement
embrasé, et allumé d’une merveilleuse et excessive ardeur, et m’estroiant (étant) en sa fermeté,
vertu et embrasement. Ce que j’ai aperçu par la parole de Pimander : lequel me voyant si fort
transporté de frayeur, m’a derechef aimablement consolé, en me disant. As-tu pas aperçu et senti en
ton entendement la première espèce, s’enforcissant continuellement de plus en plus d’une puissance
et vertu infinie. Ainsi aucunement est-il de moi Pimander. L’ai puis
LES ELEMENTS DE LA NATURE
après plus outre inféré, en lui demandant d’où avait pris leur origine les Eléments de nature. Lequel
me répondit, que c’était de la volonté de Dieu, lequel de grande affection aimant son verbe, et
considérant le monde qu’il avait fait, être doué de grande beauté, à l’exemple d’icelui a exorné ce
qui restait des siens propres éléments et semences vitales. D’avantage cette divine puissance qui est
Dieu, vie et lumière, très plein de fertilité de l’un et de l’autre sexe, avec son Verbe a produit un
autre suprême puissance, laquelle n’est ensemble avec lui qu’un Dieu, qu’un feu, qu’un esprit,
qu’une divinité et majesté. Il a fait après sept gouverneurs, pour et à celle fin de gouverner, régir, et
embrasser avec leurs cercles le monde sensible. La disposition et ordonnance desquels, s’appelle
destinée fatale. A la fin le Verbe divin a assemblé et conjoint des Eléments inférieurs le vrai et pur
artifice de nature, lequel a été uni et conjoint à la puissance divine, attendu qu’il était a elle
consubstantiel. Et ont été délaissés les Eléments de nature pendre contre bas, sans en avoir autre
raison, ou solution, sinon afin qu’ils fussent comme la seule matière et sujette à génération et
corruption. Finalement la divine puissance ensemble avec le verbe qui auparavant retenait les
sphères qu’elles ne tournassent, les a soudainement fait tour-
DE LA PUISSANCE
Tourner avec une merveilleuse force et violence : en contraignant son organe et facture céleste lui
obeir, en lui commandant tourner dès le commencement sans commencement, jusqu’à la fin, sans
fin. Car aussi commence elle d’où fini elle fini. Ce que certes n’est autre chose que le circuit, et
tournoiement de tout ce que nous voyons. Au surplus ainsi que bon a semblé à la divine puissance,
elle a fait et composé des éléments inférieurs les bêtes brutes et sans raison. L’air a produit les
oiseaux, et l’eau les poissons. En la sorte pareillement qu’il a plu à la puissance divine, l’eau et la
terre, qui auparavant étaient mêlées ensembles, ont été distinguées et séparées. Et la terre a produit
puis après, et enfanté les animaux, qu’elle contenait au dedans de soi. A savoir les uns à quatre
pieds, les autres n’en ayant point, mais seulement qui se coulant et traînant sur la terre, les aucuns
sauvages, les autres champêtres, les autres domestiques. Mais le père, qui est intelligence, vie,
lumière de toutes choses, voulant par un haut fait consommer les oeuvres, a créé l’homme à son
image et semblance : et lui, comme à son propre et naturel fils, s’est enjoui et complu. Et ce à cause
qu’il le voyait être accompli en toute beauté, et qu’il portait l’image et semblance de son père et
créateur. Car Dieu au vrai dire fort delecté en
LA PHILOSOPHIE NATURELLE
sa propre figure, et illustre marque, qu’il voyait reluire en l’homme, à voulu que toutes les oeuvres
qu’il avait faites auparavant, fussent asservies à l’homme pour son usage. Lequel se voyant seul
après Dieu avoir la domination sur toutes choses, et regardant comme Dieu les avaient crées en
temps et en lieu, il a pareillement attenté de sa part à l’exemple du Créateur de faire le semblable
que lui. Dont est tombé de là contemplation de son père le Créateur en la sphère de génération. Et
comme fût qu’il obtint la puissance sur toutes choses, il a aussi élevé son entendement vers l’oeuvre
des sept gouverneurs du monde, afin de comprendre par la vivacité de son esprit, leurs offices et
actions. Dont eux s’essouflant de l’appréhension et vouloir humain, un chacun d’eux a rendu
l’homme participant de son propre ordre et discours. Lequel après avoir appris et connu leur essence
et ressort, et vu leur propre nature desia fort désireux pénétrer par le moyen de son esprit, résoudre
et expliquer, que pouvoir être la rondeur et circuit de ces cercles : et comprendre la vertu du
gouverneur qui préside au feu. Et qui se voyait avoir eu en Dieu la puissance et domination sur
toutes bêtes brutes et sans raison, il s’est élevé, et par une harmonie est sailli jusques es cieux, les
pénétrants jusques à avoir leur entière connaissance, et donner solution d’iceux et démontrer
LA SEMBLANCE DE L HOMME EN L EAU
Démontrer par vive raison la nature qui pend contre bas n’être autre chose qu’une belle face et
figure de Dieu. Lequel homme après avoir bien et diligemment spéculé la beauté de cette nature être
fort plaisante et agréable, ensemble tout l’oeuvre et action des sept gouverneurs : et même qu’il
possédait l’image et semblance de son Dieu, il lui a soubris, et d’un affectueux amour favorisé. Et
ce à raison qu’il spéculait en l’eau comme l’image et caractère de l’humaine beauté, et quelque
grande merveille d’icelle être cachée et muselée en la terre. Se voyant donc avoir une semblable
effigie comme il la voyait en l’eau, l’a grandement aimée, désirant se mêler avec elle afin
d’engendrer et procréer son semblable. Quant et quant l’effet à ensuivit sa volonté, dont a engendré
une forme aliene toutes fois et non participante de raison. Mais nature aimant cela en quoi du tout
était transporté et ravi son désir, c’est avec icelui mêlée et conjointe. Car entre toutes bêtes
terriennes, l’homme seul est estimé de double nature. Mortel premièrement à cause du corps,
secondement immortel au cause de l’homme substantiel, c’est-à-dire, de l’âme.
Car au regard d’elle, il n’est nullement soumis à la mort, et par cela obtient la maîtrise et
domination sur toutes autres créatures de ce monde. Mais toutes autres choses vivante et sujettes
LE PECHE DE L HOMME
à fatales destinée, l’endurent des deux côtés. L’homme donc a été autres fois supérieure harmonie
(c’est-à-dire tout céleste) mais étant tombé en l’harmonie inférieure de ce monde (c’est-à-dire, après
avoir décliné de la contemplation de Dieu son père, tournant son vouloir aux choses caduques et
fragiles de ce monde) a été serf, et quant à son corps, soumis à toute calamité et infortune. Etant ce
néant moins muni de fertilité des deux sexes par celui qui est la source et origine des arbres et
ruisseaux, et maintenu soigneux et vigilant par celui qui jamais ne dort, pour régir et gouverner ce
qui lui a été soumis, est contre gardé que totalement ne périsse. Or entend que c’est ci le mystère
qui a été jusqu’à présent au genre humain. Car nature se mêlant avec l’homme, a fait un miracle, qui
surmonte l’admiration et merveille de tous autres miracles. Car lui bien instruit par le père et l’esprit
(desquels ai parlé un peu au dessus) de l’harmonie des sept gouverneurs, et enseigné qu’elle était
leur essence et propriété, nature n’a aucunement restitué. Mais qui plus est, elle a soudain fait et
produit sept hommes selon les natures et propriétés des sept gouverneurs, participants ensemble de
masculin et féminin sexe. Ne me pouvant plus contenir, j’ai à la fin ainsi inféré. Ô Pimander divine
L’AME ET L ENTENDEMENT
divine puissance, j’ai un peu au dessus été épris d’un passionné désir de savoir, et connaître les
secrets de la nature, lesquels vous a plu me déclarer : au réveil sera en vous, s’il vous vient à gré de
par finir le surplus, et de ne me laisser suspend, et douteux en aucune chose concernant les affaires
de nature.
A quoi me répondant, a commandé me taire, attendu qu’il n’avait pas (ainsi qu’il disait) encores
parachevé son premier propos. A donc dit. Tu dois savoir, que la génération des sept gouverneurs
(comme j’ai dit) a ainsi été faite : car l’air féminin et l’eau idoine de concevoir a du feu pris la
maturité, et du ciel l’esprit : et ainsi nature a conglutiné les corps pour au vif tirer l’humaine espèce.
Mais elle n’a pas procédé à faire l’âme et l’entendement, de vie et lumière indifféremment. Car la
vie lui a donné l’âme, et la lumière l’entendement. Or faut entendre que tous tels membres
provenaient des sens du monde jusque à la fin de la révolution et circuit des principautés, et
commencements, ensemble de tous genres. Au surplus entends, et retiens le reste de mon propos,
lequel naguère tu disais avoir si grand vouloir d’ouïr, et entendre. Le circuit finalement des sept
Gouverneurs parachevé et révolu, le noeud de toutes choses (comme Dieu a voulu) a été délié. Car
tous animaux tant masculins
L AMOUR DU CORPS
masculins que féminins, et l’homme pareillement, qui auparavant ne pouvait engendrer ni
concevoir, ont été dissous. De manière que les mâles d’une part, et les femelles de l’autre, se fassent
et se parfassent.
Et Dieu incontinent par sa sainte parole a crié à haute voix. Produisez, croissez, et vous dilatez,
toutes mes semences, et toutes mes oeuvres. Vous aussi auquel est prêté quelque portion part est
entendement, reconnaissez votre genre, et considérez votre nature être immortelle. Sachez que
l’amour et affection désordonnée de ce corps, est cause de la mort. Apprenez donc parfaitement la
nature de toutes choses. Ce dit, la divine providence par une fatale destinée, et harmonie, a inspiré
les corps de tous animaux tant mortels, comme immortels, les missions des semences génératives :
et ainsi a ordonné les générations, dont toutes choses selon leur genre propre et naturel se sont
entendues, et dilatées. Finalement celui qui s’est reconnu sans tomber en infâme, ingratitude et
méconnaissance des biens du Seigneur, et auteur de tout bien, a conquis ce souverain bien, qui est
sur toute essence. Mais celui qui a été trop curieux de ce corps mortel, et qui l’a outre mesure aimé,
s’est enveloppé es horribles ténèbres de la mort, apercevant assez par ses sens les maux et
calamités,
LE PECHE D’IGNORANCE
calamités, qui d’elle proviennent. A ce propos je l’ai ainsi interrogé. Que délinquant tant les
ignorants, pour être ainsi privé d’immortalité ? Me reprenant aigrement, me dit que je montre
n’entendre pas assez ce que de lui ai entendu. A quoi lui répondis, que ores que j’eusse dit de prime
face ne l’entendre, s’il est ce qu’a donc le comprends, et en est bien records : fort qu’il y a encore
une chose à laquelle ne me peux assez émerveiller, à savoir pour quelle raison sont dignes de mort
ceux qui meurent. Et dit que c’est à cause d’une ombre triste et hideuse, laquelle a précédé leurs
propres corps, de laquelle est issue nature humide, dont a été fait le corps de l’homme en ce monde
sensible, duquel corps procède la mort. N’entends-tu pas bien cela, ô Mercure, dit-il ? Tu entends
aussi (comme j’estime) la raison pour laquelle au contraire celui qui se connaît et obéis à Dieu, est
mué en nature divine, ainsi que le Verbe divin te l’a donné à entendre. C’est, dis-je (comme je
pense) à cause que le père de toute choses, qui est Dieu, duquel l’homme a sa naissance, consiste de
vie et de lumière. C’est cela, dit-il, tu dis bien. Car Dieu le créateur et père de toutes choses, est
lumière et vie, par lequel est fait et crée l’homme. Si donc tu te connais être de cette vie
ACQUERIR LA VIE ETERNELLE
et lumière fait et compose, tu monteras lassus en la vie et lumière. Ceci entendu je l’ai en outre
requis à me déclarer plus à plein le moyen, qu’il faut tenir pour parvenir et atteindre à cette lumière
et vie perdurable. A quoi me fit réponse que Dieu, qui est suprême puissance, qui participe de
raison, pour se faire a commandé à l’homme, qui participe de raison,
se connaître soi même. Dont insérant, je lui dis que un chacun n’a pas sens et entendement à ce
faire. Non (m’a-t-il dit) c’est parlé sagement Mercure. Car moi Pimander puissance divine, je donne
secours et aide aux bons, et gens de bien, qui sont purs et nés de conscience, et qui craignent Dieu,
et lui portent honneur et révérence, comme il lui appartient, et qui veulent toujours en cela
persévérer, et vivre vertueusement, et ma présence leur favorise en tous lieux, et donne support, de
manière que tout soudain ils connaissent et entendent toutes choses, et ont le père céleste favorable,
propice, doux, et béni, en tout ce qu’ils le requièrent. Et par ce, eux comme gens de bien, et non
ingrats, lui rendent grâce bien dévotement, et avec hymnes, et cantiques solennels, le collaudant et
magnifiant, et offrent librement leurs corps à la mort. Finalement fuient tous délices corporels,
voyant clairement combien sont périlleux tous attraits,
LA TENTATION DU DIABLE
attraits, et allichements de la chair. D’avantage moi divine puissance exerçant l’office d’un portier,
ne permets ceux qui tombent es lacs, embûches et tentations de la chair, finir leur vie comme gens
de bien: ains (avant/mais) avant leurs jours je ferme de toutes parts la voie, par où les infâmes
voluptés, et autre lubricités corporelles ont coutume de couler es parties du corps, en étreignant tous
leurs nourrissements, et pâtures. Et que je suis prête et appareillée de survenir aux bons, d’autant au
contraire je suis éloignée de gens sensuels, étourdis, méchants, paresseux, ennuyeux, iniques,
homicides, et de tous autres vices pollues : les laissant à la puissance du diable, pour se venger de
telles iniquités. Lequel embrassant de plus en plus la fournaise de leurs perverses volontés, affligé et
tourmenté leur sens. Et beaucoup plus journellement induit l’homme à perpétrer telles énormités et
délits, afin qu’icelui soit soumis à plus grief tourment, qu’il a plus grièvement offensé. Et sans
aucun intervalle, il l’incite à insatiables concupiscences : avec lui se combat les ténèbres, examine
son péché, et augmente l’impétuosité et ardeur du feu, pour lui donner plus grief et horrible
tourment. A donc lui dis. Ô divine puissance, vous m’avez soigneusement, de votre grâce, expliqué
et donné à entendre tout ce que je demande, forf
LA DISSOLUTION DU CORPS ET DE L’AME
que je veuille bien qu’en outre vous m’exposiez ce que doit avenir après la mort d’un chacun de
nous. En premier lieu (dit-il) il te convient entendre que au définement et résolution de ce corps
matériel, il se change en une autre nature, et se déguise : de manière que la figure qu’il avait
auparavant se cache, et se fait insensible désormais, c’est-à-dire, se réduit en poudre jusques à ce
que nous ressuscitions en corps et âme. Les méchantes moeurs pareillement que l’homme avait, sont
au diable délaissées. Les sens corporels, qui était une partie de l’âme, recoulent en leurs premières
sources et fontaines. Lesquels à quelques fois doivent ressusciter en leurs premières offices et
actions naturelles. En outre, les vertus irascibles, et concupiscibles se convertissent en une nature,
n’ayant aucune apparence de raison. A la fin ce qui reste de l’âme, retourne en haut par une
harmonie : et par ce moyen, est rendu à chacune planète ce qui lui appartient, c’est-à-dire, la
propriété et vertu, de laquelle un chacun homme participe. A la première, est rendu son office de
croître et décroître. A la seconde, la redoutable machination et malicieux contre ouvrage de tous
maux, et coûteuses déceptions. A la tierce, l’oisif alichement de concupiscence. A la quarte, la
fausse, et insatiable ambition, tendant toujours
LE SOUVERAIN BIEN
à dominer sur les autres. A la quinte, la profane arrogance, et audacieuse témérité. A la sixième, les
dépravées et méchantes occasions à parvenir à richesses. A la septième l’enraciné mensonge. A donc
l’âme dépouillée du motif de cette harmonie, ayant recouvré sa propre force et vertu, retourne en sa
tant désirée nature, avec ceux qui sont au lieu des bienheureux collaudant à toujours mais, avec
hymnes et louanges divines le père céleste. Lesquels tôt réduis, et colloqués lassus (au dessus) au
rang des puissances angéliques, et étant même faits puissances angéliques, ont pleine et entière
jouissance de Dieu.
Ce qu’est le souverain bien qu’un chacun qui se connaît doit singulièrement appéter, savoir est,
d’être fait Dieu. A quoi donc d’ici en avant dois tu ton soin et sollicitude appliquer, sinon puisque
ainsi est que tu as tout ceci parfaitement compris et entendu, tu sois aussi le guidon de ceux qui sont
dignes de ton travail, à fin que le genre humain puisse par ton moyen obtenir le salut divin ? Après
donc que Pimander m’a eu telles ou semblables choses déclaré, il c’est de moi disparu, et c’est
réduit au nombre des divines puissances. Et moi tout consolé, et fortifié de sa parole, et étant en tout
et par tout enseigné en l’ordre et propriété de nature, me suis levé de terre, en collaudant le père et
créateur de toutes choses, et lui rendant action de grâce
EXHORTATION SAINTE DE MERCURE
Grâce de m’avoir fait tant de bien, sans l’avoir désserui, de montrer si clairement tant et de si
merveilleux mystères. Et dès lors commençais à annoncer aux hommes et magnifier l’excellence et
beauté de sa divine bonté, et éminente science, en disant. Ô peuple terrien, qui t’es le temps passé
adonné à la jurongnerie, sommeil, paresse, et ignorance, vit dorénavant sobrement, et te garde de
cette infâme et déshonnête luxure, qui t’es tant délecté à cet irraisonnable et profond sommeil
d’ignorance. Eux donc obeissants à mon dire, tous d’un accord ont à moi adhéré. Ce que voyant, ai
plus outre inféré en les exhortant de leur salut. D’où vient cela, que vous tous terriens, vous vous
précipitez ainsi à la mort de votre pur et franc vouloir, attendu qu’avez pleine puissance d’une fois
acquérir (si vous voulez) le salut immortel de vos âmes ? Reprenez donc et rassemblez vos esprits,
et venez à vous connaître, qui avez été par ci devant si longuement ensevelis en l’ordre obscurité
d’ignorance, et pauvreté d’esprit. Eloignez vous, séparez vous de cette obscure et ténébreuse
lumière. Recevez cette immortalité ici, laquelle est devant vos yeux proposée, et mettez fin à cette
corruption de vie. A donc les aucuns obstinés, et endurcis en leurs vices détestables, après m’avoir
ouï parler, tournoient tout à moquerie,
LE FRUIT DE MERCURE
et me réputant comme insensé, ayant les yeux bandés d’infélicité et désespoir de salut, s’en allait
trébucher en la voie de mort et de perdition. Les autres émeus de mes paroles se jettent à mes pieds,
et à mains jointes me prient de les bien instruire et endoctriner en la voie de Dieu. Les soulageant
donc et attirant à moi, ai été fait leur capitaine, chef, et conducteur. Car je leur montre quel moyen il
faut tenir et garder pour acquérir le salut immortel, en toujours parlant à eux par paroles de sagesse
et prudence. En manière qu’ils se sont retirez des procelleuses tempêtes, et abîmes infinis de cette
obscure mer de ténèbres. Finalement quand le soir s’approchait, le Soleil déclinant en Occident, sur
toutes choses leur commande de bien et dévotement rendre grâces à Dieu pour tous les biens. Et ce
fait un chacun se couche en son lit. Moi pareillement après avoir impétré de Pimander ce de quoi
l’ai requis me déclarer, j’ai écrit et imprimé au profond de mon entendement ce singulier plaisir
qu’il lui a plu me faire, et me suis reposé, étant de ce grandement recréé. Tant que tout le sommeil
de mon corps n’était qu’une pensée et cogitation des choses divines. La clôture de mes yeux, qu’un
vrai regard d’icelles. Tout mon silence, qu’une fertile conception de toute bonté. La prola-
L’ACTION DE GRACES DE MERCURE
prolation de mes paroles, qu’un engendrement de tous biens. Toutes lesquelles choses n’ai su
aucunement ni connu, sinon seulement par Pimander, c’est-à-dire, par le verbe de la divine
puissance, Etant donc inspiré de l’esprit divin, ai su et connu l’entière et parfaite vérité de toutes
choses, dont ai rendu grâces de tout mon pouvoir à mon Dieu, à la manière que s’ensuit. Sois
sanctifié mon Dieu père éternel de touts choses. Sois sanctifié mon Dieu, qui fait et accomplis ta
volonté de ta propre puissance. Sois sanctifié mon Dieu, qui toi-même te donne à connaître à tes
familiers et amis. Sois sanctifié mon Dieu, qui as fait et constitué toutes choses par ta sainte parole.
Sois sanctifié mon Dieu, duquel l’image et figure est toute nature. Sois sanctifié, qui ne fus donc
formé ni créé par nature. Sois sanctifié, qui es incomparablement plus puissant qu’aucune
puissance. Sois sanctifié, qui es plus excellent que toute excellence. Sois sanctifié, qui es meilleur
que toute louange. Reçois les saints sacrifices de mes paroles, que je t’offre d’un coeur franc et
entière volonté, comme il t’appartient être fait, qui es ineffable, et qui doit être loué et magnifié
seulement du coeur de ceux qui fuient les fallaces et déceptions de ce monde, entièrement contraires
à la connaissance de vérité. Donnes moi ce qu’il
LA FOI DE MERCURE
te semblera m’être bon et profitable. Fortifies moi et corrobore en ta sainte grâce, et fais d’icelle
participants ceux qui sont en ignorance, qui sont mes frères par consanguinité du premier père
terrien, et tes enfants par création. Et de fait aussi je te donne ma foi totalement, et n’ai fiance ni
créance en aucun sors qu’en toi mon souverain Dieu et protecteur. Et de toi, selon mon petit
pouvoir, je donne témoignage, en croissant toujours, et m’élevant, et fortifiant en toi, qui es la vie,
et lumière donnant clarté à ceux qui en toi seul se fient et appuient. Car l’homme sachant que tu es
le père digne de toute louange, et que tu l’as fait à ton image et semblance, a espérance d’avoir à la
fin fruition de ta béatitude, et perpétuelle félicité, attendu qu’en ce mortel monde lui as donnés la
puissance et domination sur toutes autres choses par toi faites et crées.
L’argument du second Dialogue.
L’HOMME ET LA RAISON
En ce second, il déclare que Dieu est à l’homme seul sur toute créature intelligible, au moyen de
raison, de laquelle il participe. Il veut donner à entendre que c’est que Dieu, et le cherche à cette fin
par le centre de la terre, par le Pôle, par le lieu auquel sont toutes choses mues et agitées, ensemble
par les formes et espèces de toutes choses en prouvant que c’est lui, à l’entour duquel, auquel, et
duquel elles sont mues, étant néanmoins toujours stable et immobile : quant à soi continuellement
tout un, sans variation ou altération aucune. Il prouve en après n’être rien en ce monde qui puisse
être vide, mais au contraire ce qui semble l’être, être sur toute chose plein. Il veut pareillement
montrer à Esculapius par ses réponses, être trop plus facile de ne savoir que c’est que Dieu, que de
dire que c’est au vrai. Que c’est toutefois un absolu et parfait bien, et le père, duquel l’office est
d’engendrer toutes choses. Ce qu’étant entendu de la génération intérieure de Dieu, laquelle est et
demeure toujours en sa divine nature, s’accorde à notre religion chrétienne. Ce qu’il dit aussi que le
nom de bien convient à Dieu seulement, et non à autre, est accordant à la vérité évangélique, où il
est dit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul est bon fort qu’en seul Dieu. Et ce qu’il met à la fin de
l’extrême calamité de ceux qui décèdent sans enfants, est une sentence cachée, ayant autre
intelligence que la littérale. Car
HERMES ET DE MERCURE A ESCLAPIUS
il faut entendre cela non de l’engendrement du corps, mais de celui de l’âme : les enfants de
laquelle sont les conceptions de vertu, dont le mâle est la sapience, afin de contempler Dieu et sa
très divine puissance. En quoi nous est donné doctrine de fuir sur toutes choses la stérilité de l’âme,
et engendrer lignée, laquelle nous puisse faire quelque fois bienheureux ; et d’imiter par ce moyen
(et tant qu’à nous sera possible) par la fécondité de notre entendement celle de notre père, qui
continuellement engendre.
UN TRAITE ET DISOURS GENERAL DE MERCURE A ESCULAPIUS DIALOGUE II
Quant à Dieu et à sa divinité même, je dis maintenant que c’est une chose qui ne fut donc engendrée
ni crée, car de fait elle ne l’est point. Laquelle chose si elle est divine ; elle est essence. Mais si c’est
Dieu même, aussi est-il toute essence. Ce que certes se doit entendre en telle manière. Car Dieu
premièrement ne s’entend pas soi même en la sorte que nous l’entendons (qui se fait par intelligence
sensuelle et créée, par quelque espèce de soi même distincte et séparée) mais il s’entend seulement
par sa propre essence, et par un très simple acte.
DIEU UNE PUISSANCE NON LIMITEE
Et que ainsi soit entends que l’intelligence de tout ce que l’homme aperçoit lui advient et échoit
peu à peu par ses sens. Dieu donc ne s’entend pas soi même ainsi : au moyen qu’il n’y a rien étant
de soi même, comme est Dieu, qui se donne à entendre autre chose, que ce qu’il y a grande
différence de lui à nous, à cette occasion il est entendu de nous par quelque accident (c’est-à-dire)
par le moyen de la raison, de laquelle nous participons. Or s’il advient que lieu se puisse entendre,
non pas toutefois Dieu : mais pour mieux dire, ne lieu aussi ce peut assez connaître, que ce soit,
sans quelque adjonction. Mais s’il advient qu’il se connaisse ainsi que Dieu, non certes ainsi que
lieu, mais comme un acte divinisé. Aussi tout ce qui reçoit motion ne le reçoit pas en ce qui est mû :
mais en quelque fermeté. Ce qui aussi meut une autre chose, il faut qu’il soit fixe et immobile. Au
moyen qu’il est impossible qu’il puisse être agité ensemble avec ce qui est mobile.
ESCULAPE : Comment se fait-il donc Trismegiste que les choses qui sont en ce monde, soient
changées avec celles qui sont agitées ? Car tu as autre fois dit que les sphères erratiques se
mouvaient par le moyen de celle qui est fixe.
TRISMEGISTE : Ce que tu appelles mouvement
LE MOUVEMENT DES CIEUX
ne se doit ainsi appeler, ô Esculape, mais plutôt résistance, et contrariété. Car tu dois savoir que les
sphères ne cheminent pas de même sorte et moyen, mais au contraire l’une de l’autre. Et par ainsi
leur opposition et contrariété, contient le froissement ferme du mouvement. Car la répercussion de
la fermeté, est l’agitation d’icelles. Et par ce les sphères erratiques subalternativement, et totalement
au contraire l’une de l’autre discourant ensemble, l’une deçà, l’autre delà, par une contrariée
rencontre propre d’une chacune et particulière auprès de telle opposition, sont agitées et émues par
celle qui est stable qu’on appelle premier motible. Ce que véritablement ne se peut autrement faire.
Et qu’ainsi soit je te voudrais demander : ces deux signes que l’on appelle vulgairement Ourses
(lesquels tu sais ne se lever ni coucher, ne hausser ni baisser) recourant sans cesse à l’entour du Pole
Arctique, qu’en dis-tu ? Te semble-t-ils se mouvoir, ou bien être fermes, et consister sans aucun
mouvement ?
ESCULAPE : par celui qui court sans cesse et tournoie à l’entoure du Pôle.
TRISMEGISTE : Mais je dirais que ce tournoiement ou circuit, qui ainsi tournoie à l’entour du
Pôle, fût un mouvement contenu et”
LE MOUVEMENT DES ASTRES
Et retardé par quelque immobilité. Car ce qui tournoie ainsi à l’entour du Pôle, retarde ce qui est au
dessus de lui, ce qu’étant en cette manière retardé, est de court et tenu, serre auprès du Pôle. Et par
ce moyen, le mouvement contraire est tenu ferme par l’opposition et contrariété, laquelle est
toujours immobile. Et à fin que plus facilement tu le comprennes, je te mettrais un exemple évident
devant les yeux, de ce qui se fait en ce monde. Tout ainsi qu’un homme qui flotte et nage en une eau
courant, la répercussion des pieds et des mains fait qu’il se tienne sur l’eau, et qu’il n’aille au fond,
et ne périsse : ainsi est il de ce que je t’ai dit.
ESCULAPE : Assurément Trismégiste vous avez produit un fort évident exemple.
TRISMEGISTE : Retiens donc que tout ce qui reçoit motion, le reçoit en une, et par une fermeté. Et
par ainsi, le mouvement de tous les animaux qui consistent de la matière, ne se fait par aucunes
choses, qui soient hors du monde. Mais les choses extérieures reçoivent leur motion des intérieures,
comme l’eau, de l’esprit, ou de quelque autre chose incorporelle. Car un corps simple ne meut pas
de soi un corps animé : mais qui plus est ni tout le corps ensemble, encore qu’il soit sans nature
animée ?
ESCULAPE : Comment entends-tu cela ô Trismegiste ?
TRISMEGISTE : A raison Esculape que les bois, les pierres et toutes autres choses qui ont
LE DIEU IMMUABLE
âme, ne sont pas mues ni agitées par le moyen de leur corps. Car qui a il dedans ce corps qui meut
cette chose animée ? certainement ce n’est pas ce corps là , par lequel l’un et l’autre, savoir est le
corps de la chose qui porte, et de celle qui est portée, sont mus. Tout ce qui dort pareillement est
animé, à raison principalement qu’il meut. Ne vois-tu pas donc clairement l’âme être fort chargée
lorsqu’elle seule soutien et porte deux corps ? et qui plus est, il est notoire que ce qui est d’un autre
agité, reçoit son mouvement en quelque, et par quelque chose ferme et stable.
ESCULAPE : il faut donc dire et conclure, ô Trismegiste, que tout ce qui se change, reçoit en cette
fermeté son changement et mutation.
TRISMEGISTE : c’est bien et sagement parlé et entendu à toi, ö Esculape. Car il te faut entendre,
qu’en tout l’ordre de toutes choses de ce monde il n’y a rien de vide. Mais seulement convient
seulement appeler la chose vide, laquelle n’est point, mais est de toute essence privée. Car il n’y a
rien qui se puisse trouver, qui (moyennement qu’il soit) puisse être vide.
ESCULAPE : comment dites vous cela, ô Trismegiste ? N’y a-t-il rien en ce monde, qui soit trouvé
vide ? Les vaisseaux à vin, et les puits, et plusieurs autres semblables choses, quand il n’y a aucune
liqueur en elles, sont elles pas vides ?
TRISMEGISTE : He Dieu,
LA VRAIE CONNAISSANCE
Dieu, combien tu es loin de la vraie connaissance des choses, ö Esculape ! Ce qui est ample, et
large, et sur toutes choses en ce monde plein tu l’estimes vide.
ESCULAPE Comment cela Trismegiste ?
TRISMEGISTE Veux tu que familièrement je te le donne à entendre ? En premier lieu, tu n’ignores
point (comme je crois) que l’air ne soit un corps. Or ce corps si pénètre, et transpasse tous autres
corps, et en courant çà et là, il remplit toutes choses. Car il est si subtil, qu’il n’est de nuls autres
corps composé, qui fait que tout ce que tu appelles vide, soit plein d’icelui. Par quoi cela se doit
plus tôt appeler concave, que vide. Et de fait ainsi est-il, et est totalement rempli d’air, et de vent.
ESCULAPE Véritablement Trismégiste votre raison est invincible, et indubitable. Car de fait l’air
est un corps, qui passe partout, sans que rien lui fasse résistance : et de son influence remplit toute
chose de ce monde. Mais que dirons nous que c’est de ce lieu, auquel toute chose reçoit motion ?
TRISMEGISTE C’est une chose incorporelle, ô Esculape.
ESCULAPE Qu’appelles-tu chose incorporelle ?
TRISMEGISTE Une pensée et raison qui de soi même se comprend, sans aide d’ailleurs, délivrée
de toute pesanteur et masse corporelle, reculée de toute erreur, impassible, et qui ne peut être
touchée ni maniée, s’assistant et se contre gardant soi même, purgeant et nettoyant toutes
QU EST-CE QUE DIEU ?
Toutes choses. De laquelle les rayons sont bonté, vérité, la principale lumière, et première forme des
âmes.
ESCULAPE Qu’est-ce donc que Dieu ?
TRISMEGISTE C’est une chose, qui n’est nulle des prédites, mais toutefois la cause existante
d’icelles, à toutes choses aidant généralement, et en particulier. Et si n’y a rien à qui ne permette
d’être, et qui de lui et en lui n’obtienne sa vive source et origine. Et qui plus est il n’y a rien en ce
monde, qui ne prenne sa naissance et production de ce qui est de lui fait et créé, au moyen qu’il n’y
a rien qui puisse avoir son être de ce qui n’est rien. Attendu que ce qui n’est rien, n’a aucune nature,
par laquelle il peut être fait. Au contraire tout ce qui est, n’a nulle nature répugnante à ce qu’il ne
soit.
ESCULAPE Que veux-tu donc entendre en ce que tu dis maintes fois Dieu être tout ceci qu’à
présent tu nies ne lui competer ?
TRISMEGISTE Dieu au vrai dire n’est pas ce que nous appelons pensée, esprit, ou lumière : mais
bien vrai est, qu’il est la cause par laquelle est la pensée, l’esprit, et lumière. Dont vient qu’il nous
convient adorer Dieu par ces deux noms, bonté, et paternité, qui lui sont propres, sans à autre
competer en façon quelconque. Car entre ceux qui outre lui sont appelés ou dieux, ou anges, ou
hommes, nul est qui puisse être si bon qu’un seul et unique Dieu. Car lui seul est le souverain
LES DIEUX ET LES ANGES
rain bien, et n’est autre sa nature qu’un bien inestimable, et indicible. De manière que toutes choses
que l’on pourrait dire ou penser, sont séparées de la nature de cette haute et infinie bonté. Et qui
plus est, ni le corps, ni l’âme humaine n’ont en eux aucun lieu, auquel ils puissent se bien recevoir :
au moyen qu’il est autant, ou plus ample, que l’essence de toutes choses, ou soit corporelle, ou
incorporelle, sensible ou intelligible. Et ce souverain bien, n’est autre que Dieu. Gardes toi donc
d’ici en avant d’estimer autre bien que lui : car telle erreur ferait par trop profane. Et ne t’aventure
aussi d’estimer de Dieu autre chose, qu’une seule suprême et souveraine bonté. Car tu ne tomberais
en moindre faute et erreur au contraire estimant, que d’appeler autre que Dieu souverain bien. Veut
néanmoins que Dieu soit appelé souverain bien par le commun langage, si est-ce toutefois qu’il
n’est pas de tous entendu que ce soit. Qui est la cause dont on peut voir, que Dieu n’est pas de tous
connu. Mais iceux par un crasse ignorance et témérité, non seulement les dieux, ainsi aucuns d’entre
les hommes appellent bons, lesquels toutefois ne peuvent être, ni être faits bons. Les dieux donc à
cause de leur immortalité sont honorés par le nom de deité : mais Dieu, qui n’est autre chose qu’une
suprême et infinie bonté, est honoré et magnifié, non seulement par
DIEU LE SOUVERAIN BIEN
l’honneur qu’on lui fait, ainsi de sa propre nature. Car en lui n’y a qu’une seule nature, savoir est
bonté infinie. Lesquelles deux appellations nature divine et bonté divine, à bien le prendre, n’ont
qu’une importance, dont toutes autres manières d’appellation de bien, prennent leur dérivation. Et
par ce qu’il est tout bon, il donne aussi et élargit toutes choses universellement, sans recevoir rien
d’ailleurs. Dieu donc (pour le faire bref) n’est autre chose qu’un souverain bien : lequel bien au
contraire, n’est autre chose que Dieu. Son autre appellation, par laquelle nous le devons adorer, se
nomme paternité, à cause qu’il crée et engendre toutes choses. Car le propre devoir et office d’un
père, est d’engendrer. Et pour cette cause les gens de haut esprit et de savoir, ont estimé la plus
excellente application, ou l’homme se peut adonner, que de procréer lignée. Au contraire la plus
extrême misère et calamité, qui peut à l’homme échoir on dit que c’est de décéder sans postérité. A
l’occasion que pour cette cause sont après leur décès affligés des diables. Et pourtant Esculape, je te
vousisse prier de n’avoir alliance ou affinité avec celui qui n’engendre aucuns enfants, pendant qu’il
est en ce monde. Il te faut néanmoins avoir de lui commisération et pitié, considérant quelles
calamités, et misère, il doit après sa mort encourir. Quant au reste il sera en toi, ô Esculape, prendre
en gré toutes telles choses, et de t’en remembrer (souvenir): au moyen que par cela tu pourras
recueillir quelque connaissance de toutes les choses de nature.
L’argument du tiers Dialogue.
Le tiers récite encore comme toutes choses sont venues à naissance, selon leur ordre et propriété de
la matière, premier qu’elle reçut aucunes formes, desquelles a été puis après illustrée, comme de
quelques lumières divines. En après comment les bienheureux esprits des cieux, accomplissent
l’oeuvre qui leur a été commise et déléguée du souverain Dieu de nature. Finalement comment a été
créé l’homme pour deux causes : lune pour contempler les choses éternelles : l’autre pour savoir
discerner entre bien et mal, et pour gouverner les choses humaines par diverses inventions
d’artifices, et par prudence : ayant devant les yeux le ciel, la terre, les herbes, et arbres, et toute
l’alliance du monde, avec le très plaisant ordre de toutes choses, pour abondante matière, à
contempler, et élever son esprit en Dieu. Au moyen que nature n’est autre chose, que quelque livre
plein de divinité, et comme le miroir des choses divines.
DIEU EST LA GLOIRE DE TOUTES CHOSES
Dialogue III
Dieu est la gloire de toutes choses, divinité, divine nature, le commencement de l’univers, divine
pensée, nature, la matière, et la sapience pour avoir la connaissance de toutes choses. Dieu est le
commencement, la divinité, l’acte, la nécessité, la fin, et renouvellement de toutes choses. Car
premier que les quatre Eléments fussent séparés et distincts les uns des autres, il y avait une ombre
infinie en l’abîme. Davantage l’eau, et l’esprit intellectuel, étaient par puissance divine en une
confuse unité. Mais la sainte lumière a épandu sa splendeur, dont a tiré hors de dessous le sable
d’une nature humide les quatre Eléments. Ou certes lors les dieux ont été ravies de l’amour de
nature féminine, et l’ont élevée. Lesquels Eléments après avoir été séparés les uns des autres, qui
auparavant étaient en une confuse unité, ceux qui se sont trouvés légers, ont monté en la haute
région, et ceux qui se sont trouvés pesants, sont demeurés sous le sable humide. Après donc que
toutes les choses qui étaient portée par l’esprit
LES DIEUX QUI HABITENT LES ETOILES
l’esprit de feu, ont été distinctes et ordonnées une chacune en son lieu et degré, le ciel c’est éclaircit
en sept cercles. De sorte que l’on voie aisément les dieux les Idées ou espèces des astres avec leurs
signes. Et les étoiles ont été dénombrées selon les dieux qui les habitent. L’entour pareillement et
circuit plus large que son cours, c’est arrondi avec un cercle d’aire, et porté par l’esprit divin. En
outre un chacun des dieux par une vertu intérieure a accompli et parachevé l’oeuvre qui lui a été
commise et déléguée de Dieu. De manière qu’alors toutes choses vivantes, tant à quatre pieds,
comme celles qui se traînent sur la terre, et qui habitent les eaux, et volent en l’air, ont été produites.
La semoison (semence) aussi de toutes choses, a jeté ses surgeons et pullulé par ses semences :
tellement qu’il n’y a rien en ce monde, tant les herbes que les arbres, et fleurs, qui n’ait
intérieurement en soi son germe, et semence générative. Mais quant à la génération des hommes,
elle n’a été faite pour autre fin, que pour connaître ses hauts faits et merveilles de Dieu, et à celle
intention que l’homme fût un témoignage de nature pour dominer et maîtriser sur tout ce qui est
caché sous le ciel. Semblablement afin qu’il y eut distinction des bons aux mauvais, augmentation
du genre humain, et dilatation du nombre d’icelui. car
LA CONNAISSANCE DE DIEU
toute âme couverte de l’ombrage de ce mortel corps, n’est faite ni créée de Dieu, fors à cette seule
intention de spéculer le discours des dieux célestes (c’est-à-dire des astres qui sont les très
excellentes et magnifiques oeuvres du souverain Dieu) et le discours de nature, l’exemple et suite
des bons, finalement la connaissance de la divine puissance et majesté. De laquelle connaissance lui
en est donné part et portion, pour savoir juger et discerner entre bien et mal, et principalement pour
encercher le haut et émerveillable artifice de bien (posé néanmoins qu’il prenne commencement et
origine en iceux bien et mal) et d’acquérir prudence et sagesse pour savoir et entendre une partie du
cours des astres, qui tournoient le monde. En outre à fin de savoir qu’il lui convient se convertir et
appliquer à ce, en quoi après le renouvellement des temps lorsque sur terre toute corruption et
génération n’aura plus de cours il y aura amples enseignements de tous artifices. Ainsi comme il
appert par l’exemple de toutes semences de fruits, et autres oeuvres de nature, et d’art, lesquelles
après quelles sont en terre corrompues, et reverdoient par l’ancienne nécessité et renouvellement
des astres, et du cours du cercle de la copieuse et abondante nature. Car de fait la confédération et
alliance de ce monde, ne sera autre chose que divinité, lors que nature viendra à refleurir. Car aussi
nature même consiste totalement en divinité.
L’argument du quatrième Dialogue.
Le quatrième nous exhorte d’apprendre et acquérir sagesse, laquelle est l’ample bassin de
l’entendement divin : en laquelle tout âme qui s’y plonge est faite participante de divine
connaissance, au moyen de quoi elle voit, et contemple Dieu. Mais pour plus parfaitement s’y
élever, il lui convient surpasser tous les cieux, surmonter le circuit et discours des astres, monter
finalement plus haut que les hiérarchies angéliques. Car autrement ne pourrait atteindre et parvenir
à ce seul et unique Dieu, et à concevoir cet insupportable et unique bien, lequel lors qu’elle vient à
regarder, elle déprise tous corps, et ne répute même la vie que nous menons en ce monde qu’une
misère, tant est ravie de ce seul bien incorporel. Nul ne se peut toutefois plonger en ce divin bassin
d’entendement qui premièrement ne haïs son corps, et qui n’aime non soi même, mais Dieu, et qui
en méprisant les choses mortelles, n’adhère, et ne médit assidûment, et totalement n’est embrasé et
transporté les divines. A la fin par une proportion d’unité et des nombres, il nous élève en la
contemplation de la vraie unité, et des entiers nombre de nature.
LE BASSIN DE L ENTENDEMENT
Ou unité de Mercure à son fils Tatius.
Dialogue IIII
Etres parfait, et très excellent ouvrier Dieu, a fait et constitué le monde universel, non par oeuvres de
main : mais par son Verbe seulement. Et ce, mon fils, il te faut considérer en ton esprit comme si tu
le voyais incessamment faire et créer toutes choses, et comme un seul Dieu les distribuer et
ordonner une chacune en son ordre et degré par sa seule volonté.
Car il n’a autre corps qui se puisse toucher, ni voir, ni mesurer, ni entendre, ou qui soit de telles
autres qualités composé, par lequel il ait fait ses oeuvres, sinon que par icelle seule volonté absolue.
Car il n’est ni feu, ni eau, ni air, ni vent : vrai est que tout ceci dépend de lui. Mais quant à lui, ce
n’est qu’une seule bonté infinie et incompréhensible, laquelle est telle, qu’à nul sors qu’à lui seul
appartient. Il a voulu pareillement orner la terre d’un ornement de corps divin. Pourquoi faire, il a
délaissé en icelle l’homme mortel au regard du corps, immortel
RAISON POUR LAQUELLE DIEU A MIS L HOMME SUR TERRE
quant à l’âme, non seulement pour régir et gouverner par prudence intellectuelle ou raison, les
animaux des quels le monde est rempli : mais aussi pour incessamment contempler les tant parfaits
et consommés oeuvres de Dieu : afin que par la contemplation d’icelles, connaisse l’homme son
facteur. Ce qu’il a fait en les admirant. Or, mon fils Tatius, te faut entendre que Dieu n’a pas donné
à tous indifféremment esprit et entendement, comme il a fait le parler. Non qu’il ait ennuis sur
quelqu’un. Car sur qui aurait-il ennui ? Ennuis, ou malveillance ne provient point de son côté, mais
demeure seulement avec ceux qui n’ont aucun entendement.
TATIUS : Comment donc se fait il mon père, que Dieu n’ait à tous communiqué entendement ?
TRISMEGISTE : Pour autant, mon fils qu’il l’a voulu proposer et mettre devant les yeux des
hommes, comme un combat des âmes.
TAT : Où l’a-t-il donc colloqué mon père ?
TRISMEGISTE : tout incontinent qu’il a eu empli un large bassin de c’est entendement il a envoyé
un hérauld exprès, lui donnant charge d’annoncer en tous endroits et de crier à haute voix, que
quiconque, se pourrait plonger en ce bassin d’entendement, s’y plongeait. Savoir est celui qui
croirait retourner à quelque fois à celui, qui l’a délaissé en ce monde, et qui
HERMES ET CONNAITRE LA RAISON POUR LAQUELLE DIEU A CREE.
Connaîtra la fin, pour laquelle à été de Dieu faite et crée. Tous ceux donc qui d’un coeur ententif et
franc vouloir ont reçu le hérauld, et se sont plongés en ce bassin d’entendement, ont été faits
participants de connaissance et raison, et en recevant ledit entendement sont parvenus en hommes
parfaits et vertueux. Mais au contraire ceux qui n’ont tenu compte du cri du hérauld, mais l’ont
contemné, ont bien certes participé de la parole, mais non pas d’entendement : et ont été délaissés
ignorants tant de la fin pour laquelle ont été créés. Et si tous leurs sens ont été faits semblables à
ceux des bêtes brutes et irraisonnables. Tellement qu’eux enveloppés es liens de désordonnée
concupiscence, ne sont, ni ne reçoivent chose digne de vertu. Car aussi ne pensent ils l’homme être
né à autre fin qu’à telles libidineuses voluptés et déshonnêtetés, lesquelles se sont appliqués, et
asservis, ainsi comme grosses bêtes brutes. Mais ceux, mon fils Tatius, qui se sont mis sous la
protection et sauvegarde de Dieu, encores qu’il soient obligés à la mort, ce néanmoins sont estimés
immortels, selon l’effet et comparaison de leurs oeuvres : en manière que non seulement par leur
esprit et entendement comprennent tout ce qui est tant en la terre comme en la mer, et sur les cieux
(s’il y a autre chose que Dieu) mais qui plus est
HERMES ET LE MEPRIS DE LA VIE ET DU MONDE.
s’élève si fort par leur esprit, qu’ils voient clairement et contemplent ce souverain bien qui est Dieu.
Lequel contemplant, n’estiment autre chose la vie de ce monde, qu’une misère et angoisse : et ainsi
en desprisant et mettant ius tous attraits voluptueux et délices mondaines, tant corporelles
qu’incorporelles, sont seulement transportés en contemplation, qui se fait par ce divin bassin, qui est
notre âme, n’est autre chose que l’intelligence et connaissance des choses divines.
TAT : Certes donc, mon père, j’ai grand désir d’être à quelque fois nettoyé de l’eau de ce bassin.
TRISMEGISTE : Crois-moi mon fils, que si tu ne hais ton corps, tu ne pourra aimer toi-même,
c’est-à-dire ton âme. Mais tout aussi tôt que tu commenceras à aimer toi-même, des lors acquerras
entendement et esprit, et par ce moyen incontinent auras science.
TAT : Comment dites vous cela mon père ?
TRISMEGISTE : A cause mon fils qu’il est impossible pouvoir entendre, et avoir égard à deux
choses ensemble, l’une mortelle, et l’autre divine. Car comme entre toutes choses de ce monde en
soit trouve deux, l’une corporelle, et l’autre incorporelle, et la première mortelle, et la seconde
divine soit communément appelée, il se fait que par l’élection et amour de l’une, nous perdions
l’autre, toutes et quantesfois que nous laissons
HERMES ET LA TRANSMUTATION DIVINE.
le soin de l’une, pour entendre aux affaires de l’autre. Desquelles deux par celui qui choisit la
meilleure, non seulement elle le rend de mortel immortel, de condition humaine le transmue en
divine, mais aussi montre et déclare aux autres l’amour qu’il a envers Dieu. Au contraire, celui qui
choisit la deterieure, se perd soi même, et délinque contre Dieu, à la façon de gens qui sont
monstres. Lesquels tout ainsi que passant par le milieu d’une ville ne font oeuvre louable, ne
profitable aux citoyens de la ville, mais d’avantage les empêchent à faire leurs besognes, ainsi est-il
de telles gens qui ne veulent suivre la droite voie et trace de vertu. Lesquels ne font autre bien, qu’à
la façon de bâteleurs vaguer et courir ça et là sans aucune utilité, pour seulement prendre les
voluptés, plaisirs mondains, et délices de leur corps. Puis donc, mon fils, que ces choses sont elles,
nous devons à juste cause préposer toutes affaires divines aux terriennes. Et s’il advient que fassions
le contraire, ne faut à Dieu imputer aucune coulpe des maux, calamités, et angoisses, qui nous
surviennent de jour en jour : mais à nous seulement, qui sommes de nature si perverse et
corrompue, que aimons mieux suivre le mal, que d’imiter le bien. Ne vois-tu pas donc clairement,
mon fils qu’il nous convient surpasser les corps célestes
HERMES ET LA REBELLION DE L’ESPRIT.
Les hiérarchies, et le circuit des astres, pour parvenir à la connaissance d’un seul Dieu ? Car c’est
un bien insupérable, invicible, et infini : n’ayant quant à soi aucun principe, quant à la connaissance
humaine quelque commencement. Combien néanmoins que telle connaissance ne soit son
commencement, mais nous montre le commencement de ce , que de lui connaissons. Parquoi il nous
faut apprendre et connaître ce commencement, si nous voulons à autre chose élever notre esprit. Car
lui connu, les pourrons facilement comprendre en notre entendement. Or est-il fort difficile laisser
les choses, lesquelles on est de présent arrêté, et convertir son vouloir à plus hautes et meilleures
que celles lesquelles on est déjà accoutumé. Car les choses que nous voyons, nous délectent si fort,
et sommes en elles tant arrêtés, qu’à grande difficulté le pouvons nous abandonner. Et celles qui
nous sont cachées, nous engendrent défiance : iaçoit que celles qui se représentent à nos yeux,
soient souventes fois mauvaises et pernicieuses, et le souverain bien soit scellé à ceux, qui par trop
grande curiosité s’arrêtent aux patentes. Car ce souverain bien n’a forme ni figure, qui fait qu’il soit
toujours tout un sans aucune difformité, ou variation : ce que au contraire cause tout ce qu’à nos
yeux s’offre, et objecte. Et de fait une choses
HERMES ET LE BIEN ET LE MAL.
Incorporelle ne se peut apparaître à celle qui est corporelle : tout ainsi qu’il y a différence du
semblable au dissemblable, et une contrariété du dissemblable au semblable. Au surplus il faut
savoir que unité est le commencement, la racine, et origine de toutes choses, et que sans quelque
commencement elles ne peuvent être, ni avoir été. Lequel dépend non d’autrui, mais seulement de
soi même. Cette unité donc est le commencement, et contient en soi et engendre tout nombre, de nul
ni comprise, ni engendrée. Car aussi, tout ce qui est engendré ou crée, est imparfait, divisible,
muable, croissant, et décroissant. Mais à ce qui est parfait ne peut rien de tout ceci échoir. Or tout ce
qui prend accroissement, le prend de la puissance et vertu de cette unité : mais au contraire tout ce
qui s’amoindrit, se fait par sa propre imbécillité et imperfection, à savoir lors qu’il ne peut plus
contenir unité. Que toutes ces choses ici donc, mon fils Tatius, soient, tant qu’il te sera possible,
écrites devant tes yeux, ainsi comme quelque image de Dieu. Laquelle si en toi-même regardes
diligemment, et la connais des yeux intérieurs, crois-moi que par son moyen tu trouveras la droite
voie pour lassus monter au ciel, et qui plus est, elle-même t’y conduira. Car l’intendance, et
élévation d’esprit aux choses divines, obtient en soi merveilleuse efficace et vertu. De manière
qu’elle donne grand confort à ceux qui ont affectueux désir à Dieu, et les attire à soi ne plus ne
moins que fait la pierre d’aimant le fer.
L’argument du cinquième Dialogue.
Le cinquième montre comme Dieu est de nous caché, et inconnu : ensemble comme il reluit et se
manifeste par chacune particule du monde. Pareillement que toutes choses qui s’offrent et se
présentent à nos sens sont ses images : tellement que merveilleux et bel ordre le déclare apertement
être celui qui les a ordonnées une chacune en son degré et proportion : et que par l’ordonnance de
leurs fins et limites, il est leur seigneur et auteur, auquel le soleil roi et prince des astres obéit, et
lequel il craint, et que la structure universelle du monde reconnaît pour facteur. En après il donne sa
sentence et opinion sur l’intérieur génération de Dieu, disant que sa propre essence est de concevoir
et faire toutes choses : de sorte qu’il est impossible (dit-il) qu’il puisse être, qu’il ne les face sans
cesse. Puis après met fin à son Dialogue en chantant les divines louanges, et collaudant Dieu le père
te créateur de toutes choses.
HERMES DE MERCURE A TAT.
Que Dieu est autant latent, que patent. Mercure à son fils Tatius.
Dialogue V
Qu’outre ce que je t’ai déclaré par ci devant mon fils Tatius, je veux encore derechef, en passant le
temps avec toi, te communiquer quelque mot de la pleine et entière notice de Dieu, à fin que tu
n’ignores son principal nom, et ce qui est à plusieurs caché, lesquels toutefois le pensent bien
entendre. Car si ce que nous savons, n’est fait notoire à ceux qui l’ignorent, il n’est non plus que
rien. Or en premier lieu, mon fils, il te faut savoir et entendre que tout ce qui s’offre à notre aspect
est engendré, et à quelque commencement : au contraire ce qui lui est caché, est perpétuel, et infini.
Car aussi n’est il de besoin qu’il apparaisse, au moyen qu’il ne cesse jamais d’être. Mais trop bien
nous met devant les yeux toues autres chose, en se maintenant toujours en secret, d’autant qu’il jouit
de vie éternelle. Quant il met toutes choses en évidence, il ne laisse pas d’être caché en ses
investigables secrets, en les déclarant et exprimant un chacune par fois à notre fantaisie. Laquelle
Connaitre la raison pour laquelle Dieu a créé
Connaîtra la fin, pour laquelle a été de Dieu faite & crée. Tous ceux donc qui d’un coeur ententif &
franc vouloir ont reçu le herauld, & se sont plongés en ce bassin d’entendement, ont été faits
participants de connaissance & raison, & en recevant ledit entendement sont parvenus en hommes
parfaits & vertueux. Mais au contraire ceux qui n’ont tenu conte du cri du herauld, mais l’ont
contemné, ont bien certes participé de la parole, mais non pas d’entendement : & ont été délaissés
ignorants tant de la fin pour laquelle ont été créés, que de celui qui les a créés. Et si tous leurs sens
ont été faits semblables à ceux des bêtes brutes & irraisonnables. Tellement qu’eux envoloppés des
liens de désordonnée concupiscence, ne sont, ni ne reçoivent chose digne de vertu. Car aussi ne
pensent-ils l’homme être né à autre fin qu’à telle libidineuse voluptés et déshonnêtetés, lesquelles se
sont appliqués, & asservis, ainsi comme grosse bêtes brutes. Mais ceux, mon fils Tatius, qui se sont
mis sous la protection & sauvegarde de Dieu, encore qu’ils soient obligés à la mort, ce néanmoins
sont estimés
Immortels, selon l’effet & comparaison de leurs oeuvres : en manière que non seulement par leur
esprit & entendement comprennent tout ce qui est tant en la terre, comme en la mer, & sur les cieux
(s’il y a autre chose que Dieu) mais qui est plus
le mépris de la vie et du monde
s’élèvent si fort par leur esprit, qu’ils voient clairement et contemplent ce souverain bien, qui est
Dieu. Lequel contemplant, n’estiment autre chose la vie de ce monde, qu’une misère & angoisse : &
ainsi en déprisant & mettant jus tous attraits voluptueux & délices mondaines, tant corporelles
qu’incorporelles, sont seulement transportés en contemplation d’un seul Dieu. Car telle
contemplation, qui se fait par ce divin bassin, qui est notre âme, n’est autre chose que l’intelligence
& connaissance des choses divines. Tat . Certes donc, mon père, j’ai grand désir d’être à quelque
fois nettoyé de l’eau de ce bassin. Trismeg. Crois mon fils, que si tu ne hais ton corps, tu ne pourras
aimer toi-même, des lors acquerras entendement & esprit, & par ce moyen incontinent auras
science. Tat. Comment dites vous cela mon père ? Trism. A cause mon fils qu’il est impossible
pouvoir entendre, & avoir égard à deux choses ensemble, l’une mortelle, & l’autre divine. Car
comme entre toutes choses de ce monde en soit trouve deux, l’une corporelle, & l’autre
incorporelle, & la première mortelle, & la seconde divine soit communément appelée, il se fait que
par l’élection & amour de l’une, nous perdions l’autre, toutes & quantesfois que nous laissons
la transmutation divine
Le soin de l’une, pour entendre aux affaires de l’autre. Desquelles deux par celui qui choisit la
meilleure, non seulement elle le rend de mortel immortel, de condition humaine le transmue en
divine, mais aussi montre et déclare aux autres l’amour qu’il a envers Dieu. Au contraire celui qui
choisit la deuterieure, se perd soi même, & délinque contre Dieu, à la façon de gens qui sont
monstres. Lesquels tout ainsi que passant par le milieu d’une ville ne font oeuvre louable, ne
profitable aux citoyens de la ville, mais d’avantage les empêchent à faire leur besogne, ainsi est il
de telles gens qui ne veulent suivrent la droite voie & trace de vertu. Lesquels ne font autre bien,
qu’à la façon de bateleurs vaguer & courir çà & là sans aucune utilité, pour seulement prendre les
voluptés, plaisirs mondains, & délices de leur corps. Puis donc, mon fils, que ces choses sont telles,
nous devons à juste cause préposer toutes affaires divines aux terriennes. Et s’il advient que fassions
le contraire, ne faut à Dieu imputer aucune coulpe des maux, calamités, & angoisses, qui nous
surviennent de jour en jour : mais à nous seulement, qui sommes de nature si perverse &
corrompue, que aimons mieux suivre le mal, que d’imiter le bien. Ne vois-tu pas donc clairement,
mon fils qu’il nous convient surpasser les corps