Le Corpus Hermeticum d’Hermès Trismégiste 4

Version de 1577 de Loys lazarel

L’argument du quatrième chapitre.


en ce chapitre, et cherche la raison, pourquoy Dieu a mis l’homme au môde, et non plus tost en la
region des choses intelligibles. Pourquoy semblablement il l’a composé de double nature, l’une
mortelle, et l’autre immortelle, et a caché la forme de sa divine similitude (c’est-à-dire l’ame qu’il a
faicte et crée à son image et semblance) soubz ceste mondaine et corporelle couverture. Il dit en
apres que la volonté de Dieu, est la souveraine perfection de toutes choses, lequelle necessité
ensuyt, et puis apres l’effect et execution de ceste necessité, au moyen que Dieu, en un et mesme
article de temps, acomplist son vouloir et l’effect d’iceluy. Ce qu’il appelle en ce lieu, et au
sixiesme chapitre, le second monde Dieu, est autant à dire comme si tu apellois le nombre de deux
seconde unité. Car tout ainsi que l’unité, n’est parfaictement et absolument qu’une, et le nombre de
deux, n’est pas parfaictement et entierement un, mais seulement par participation et retraction ou
recission n’est qu’un, et secôd un : aussi pareillement un seul Dieu, n’est parfaictement qu’un, mais
le monde est Dieu seulement par participation, à cause de son immortalité, ensemble la tres illustre
et belle marque, et enseigne de toutes choses sensibles.


Chapitre IIII.

La majesté vient de Dieu principalement


ASCLEPIUS : Qu’a il doncques esté besoing, o Trismegiste, que l’homme ay testé mis et constitué
au monde, et non vivre en la souveraine beatitude, du costé qu’il est Dieu ?


TRISMEGISTE : C’est tres bien et sagement demandé à toy, o Asclepe. Et de faict, nous aussi
prions Dieu, que son bon plaisir soit, nous prester la puissance, de fouldre ceste question. Car
comme toues choses dependent de sa seule volonté, cela principallement en despend, qui traicte de
sa hautesse et maiesté. Laquelle raison, nous avons deliberé en chercher par la presente dispute, de
tout nostre puovoir et astuce. Entends doncque Asclepe, et retiens. Tu dois sçavoir en premier lieu,
qu’encores que le seigneur et facteur de toutes choses (lequel à bon droict appellons Dieu) ayt en
telle sorte faict et crée le second Dieu, qu’il se puisse voir et sentir, si diroys-ie neantmoins qu’il a
ainsi faict sensible, non pour ce qu’il ayt quelque sens (car au regard de ce, sçavoir est, s’il a sens
ou non, nous en parlerons ailleurs plus à plain) mais pour autant qu’il reçoit les sens de toutes
choses visibles. En celà doncques que Dieu l’a faict de soy le premier, et second apres soy,
ensemble qu’il luy a semblé estre en toute beauté, acomply (d’autant que il est parfaict en toute
bonté) et il l’a aymé comme


La puissance de l’homme sur tout le monde.

une partie de sa divinité. A’ celle fin doncques qu’il fust si grand et si excellent comme il est, il luy a
pleu en faire un autre, qui est l’hôme auquel a donné puissance, de speculer celuy qu’il avoit faict et
crée de soy, en le faisant pareillement de raison et diligence imitateur. Car de faict la volonté de
Dieu, est le souverain accomplissement et perfection de toues choses, attendu qu’en un et mesme
article de temps accomplist son vouloir et l’effect d’iceluy. Quand doncques Dieu a eu consideré la
forme de sa divine semblance, ne povoir avoir esgard sur toutse choses, s’il ne la cachoit de
mondaine couverture, à ceste occasion il l’a mussée soubz ce domicille corporel, les confondant en
un, par l’une et l’autre nature, en tant qu’il a cogneu estre de necessité. Il a doncques faict et formé
l’homme de double nature : l’une certes eternelle du costé de l’ame, l’autre mortelle au regard du
corps. Ce qu’il a ainsi voulu faire, à fin qu l’homme ainsi formé, peust satisfaire à l’une et l’autre
son origine : ensemble pour admirer et prier les choses celestes et eternelles : finablement pour
seurement habiter et regir les terrestres et mortelles, seulement l’eau, et la terre (lesquelz deux
d’entre les quatre elemens, nature à soubmis à l’homme) ains tout entieremêt ce qui se faict d’iceux,
ou en iceux, par l’artifice et industrie des hommes : comme le labourage de la terre, les pastures,
bastimens, portz de mer, navigations, traficques, convenances, commoditez, et plaisirs mutuelz (ce
qui est le tres ferme et indissoluble lien de toute humanité) ensemble celle partie du monde, qui est
l’eau, et la terre. Laquelle se maintient tousiours et se conserve par l’usance et notice des artz, et
disciplines, sans lesquelles Dieu n’a voulu que le monde fust parfaict et consommé. Car
premierement necessité ensuyt le vouloir de Dieu, et puis côsequemment l’effet sa volonté. Au
moyen que il n’est pas credible, pouvoir aucune chose estre à Dieu desplaisante, laquelle au
paravant luy eust pleu, d’autant qu’il l’a sceu long temps avant qu’elle avint, qu’elle devoit ainsi
avenir, et qu’elle luy seroit plaisante et aggreable.


L’argument du cinqiesme chapitre.

Le cinqiesme, nous informe de la doulceur et harmonie musiqualle, disant avoir esté de Dieu
donnée et envoyé du ciel aux hommes pour chanter les louanges de Dieu, et de ses esleuz. Ce que
nous sçavons avoir esté des sainctz Prophètes et amys de Dieu commandé, par l’instinct du sainct
esprit, quand ilz nous enheortent de exalter et magnifier Dieu, luy chanter psalmes, et le louer au
tabourin, en l’assemblée et congregation des gens de


Pourquoi Dieu a envoyé la musique aux hommes.

bien, en cordes, et en orgres. Au moyen que cela est la principalle fin ou tendent ces muses, et toute
la musique.


Chapitre V.

OR entenday-ie Asclepe, et apperçoys, de quelle affection tu desires d’ouyr et entendre comment
peult avoir l’homme l’amour du ciel, et de ce qui est en luy, et luy porter honneur et reverence.
Escoute doncques Asclepe, et l’entends. Il te fault premierement sçavoir que l’amour, que de nous
requiert le Dieu celeste, et ceux qui habitent au ciel, n’est autre chose, qu’une frequentation de
servvice et reverence, qu’on leur faict. Laquelle nulle autre creature a inventée, que l’homme
seulement. Car le Dieu du ciel, et ceulx qui habitent en luy, s’esiouyssent à merveilles, des
admirations, adorations, loüanges, et services, que les hommes leur font. Dont c’est faict, que non
sans iuste cause, a esté du ceil envoyée en terre par la supreme deité entre les hommes, l’assemblée
des Muses. Sçavoir est, à celle fin que le monde terrien, ne fust veu moins orné et annobly, s’il eus
testé privé, de la doulceur des chants et modulations. Mais la cause plus peremptoire, a esté, à fin
que celuy qui est seul tout, et le createur


Peu de vie contemplative, beaucoup de vie active.

de toutes choses, fust celebré, et exalté de louanges, et harmonieuses chansons des hommes : et que
par ce moyen la doulceur de harmonie, ne defailliste en la terre, pour tousiours sans cesse louer et
collauder Dieu. Car bien peu y en a, qui de pur, et syncere esprit, avecques bonne conscience, ayent
pris le venerable soing de contempler le ciel. Mais au contraire plusieurs, qui de double confusion
de leur nature, ayans abstardy leur intelligence interieure, par la pesante masse de leurs corps se
sont appliquez aux elemens, et autres choses inferieures. L’homme doncques, n’est en cela moins à
estimer, d’estre en partie mortel : mais pour ceste raison (estans peut estre) plus proprement
composé, il semble que son immortalité, soit à quelque certaine raison augmentée. Dont la
principalle est, qu’il n’eust peu soubstenir l’une ou l’autre partie, si les dux natures, desquelles est
composé, n’eussent esté meslées, et conioinctes ensemble. Il a doncques ainsi esté formé de deux, à
fin qu’il peust non seulement avoir esgard, et s’eslever es choses divines, mais aussi donner ordre
aux terriennes. Or veux-ie Asclepe, que tu entendes la raison de ce present traicté, non seulement
par soigneuse intention, mais aussi d’une vivacité d’esprit. Car encore qu’elle soit à plusieurs
incroyable, si est ce neantmoins, qu’elle doibt estre tenue pour vraye de ceux qui sont gens de bien,
sainctz d’esprit et d’entendement. Ie feray doncques icy le commencement.


L’argument du sixiesme chapitre.

Le sixiesme declare que le Dieu de nature est parfaictement le premier et eternel Dieu, le monde le
second, non toutesfois absolument, ains par participation seulement du premier, pource qu’il est sa
premiere image. Et l’homme le tiers par participation pareillement de divinité, comme la secôde
image du hault et parfaict Dieu. Lequel ne reçoit iamge ou figure aucune, ains est l’entiere et pure
verité de toutes imags. Il monstre en apres comme l’homme peult monter lassus au ciel, comme
consistant des elemens superieurs, à scavoir de l’ame, du sens, de l’esprit, de raison. Mais du costé
qu’il est composé des inferieurs, c’est-à-dire, du feu, de l’air, de l’eau, et de la terre, qu’il est à la
mort asservy : qui faict qu’estât esseuré sur la divine partie de laquelle il consiste, il delaisse par la
mort toutes choses de ce monde desertes, et destituées de sa presence. D’avantage il dit que religion
(c’est-à-dire, le soing et cure qu’on a d’obeyr à Dieu, avecques bonne conscience, et fidelité) est la
mesure, à la forme de laquelle doibt l’homme se reduyre, et vivre en ce monde, qu’en suyt bonté.
Laquelle bonté semble lors estre parfaicte et consommée, quand estant munie de vertu, met ius, et
desprise les cupiditez des choses reculées de vertu, comme possessions, le corps, le sens mesme et
effection de convoitise. Car l’homme (selon son opinion) deust estre et avoir esté iusques icy,
comme l’intention de raison conduit l’esprit : tellement que par divine contemplation ne tint conte
de la partie mortelle, que luy a conferé Dieu, pour contregarder et regir le monde inferieur. A’ la fin
Asclepius devine ne debvoir aucun estre apres nous, qui compreigne la pure et vraye philosophie de
la cognoissance de Dieu. Ce qu confermant Hermes, monstre la cause pourquoy doit l’homme
apprendre les mesures et compassemens de la terre, c’est-à-dire Geometrie : ensemble les qualitez,
quantitez, profondeurs de la mer, la force et vertu du feu, et les natures et proprietez de toutes ces
choses : c’est-à-dire, la totalle philosophie des nombres, des globs ou rondeurs celestes, et toutes
autres choses naturelles. C’est à scavoir, à fin qu’il admire, adore, et collaude l’art et divin
entendement, le facteur de toutes choses. Disant cela estre l’entiere et parfaite philosophie, qui
seulement depend de divine religion : et de cognoistre l’ordre de toutes choses, qu’une chacune a
obtenu par ordonnance divine, estre la vraye musique, et accord. A’ cause que tout cela estât raporté
à raison l’ouvrier de toutes choses, fait un tres doux et tres harmonieux accord à la divine melodie.
De maniere qeu la vraye et pure philosophie, de nulle importune curiosité


Raison pourquoi le monde est appelé Cosmos.

corrompuë, n’est autre que d’estre par simplicité d’esprit et entendement obeyssant aux
commandement de Dieu : avoir ses faitz en reverence : luy rendre action de graces
continuellement : et le prier que sa volôté soit tousiours en tout et par tout faicte et accomplye,
laquelle est la seule tres pleine de toute bonté et clemence.


Chapitre VI.

Il fault entendre premierement que Dieu est le principal Seigneur d’eternité, le monde second,
l’homme le tiers. Le facteur du monde et de tout ce qu’il contient en sa rondeur, ne est autre que
Dieu. Lesquelles toutes choses gourverne par sa providêce, et à crée par sa puissance, avec leur
second gouverneur, qui est l’homme. Lequel prenant là totalle charge, et superintendence d’icelles,
a tant faict par la propre diligence, que luy et ledict monde se sont faict honneur, plaisir mutuel, et
reciproque. De maniere qu’il semble le monde avoir esté droictement appellé des Grecz Cosmos, à
cause de ceste divine compositiô de l’homme. Lequel se cognoist, et si cognoist le monde, à fin de
se recoler de la convenance qu’il y a entre ses parties, et recognoistre desquelles il doit user et


Le monde et l’homme les deux images de Dieu

s’en servir, et esquelles il doit obeyr. En rendent à Dieu loüanges et action de graces, et faisant
honneur à son image, non ignorant foy aussi estre la seconde de Dieu, estans deux en nombre, à
sçavoir le monde, et l’homme. Duquel homme, attendu que le corps et l’ame, ne soit qu’une seule
conionction, il se faict que du costé qu’il est divin, c’est-à-dire de l’ame, du sens de l’esprit, et
deraison, monte es cieux, comme consistant des elemens superieurs. Mais du costé qu’il est terrien
et mondain, c’est-à-dire, du feu, de l’air, de l’eau et de la terre, il semble que il doit en icelle
demontrer mortel, de peur de laisser desertes, et en viduité les choses, qui luy ont esté commises par
son createur. Car pour autre cause n’a esté faite humanité d’une part divine, et d’autre mortelle, et
assemblée en un corps, que pour celle là. Quant à la mesure de l’une et l’autre partie, c’est-à-dire, de
l’homme, elle consiste premierement en toute religion, veneration et obeyssance divine, que bonté
finablement semble lors estre parfaicte, quand elle manie, de vertu, mesprise et contemne toutes
cupiditez des choses reculées de sa nature. Car defaict toutes choses terriennes, lesquelles se
possedêt par charnelle convoitise sont totallement reculées de l’affection qu’on doit avoir en Dieu.
Lesquelles choses sont à iuste raison apellées possessiôs, à cause


Les convoitises et possessions.

qu’elles ne sont pas nées avecques nous mais apres nostre naissance avons commencé à les
posseder. Toutes telles choses doncques sont à l’homme contraires, et luy nuyssent, et le corps
mesme, pour despriser tout ce que par sensualité appettons et ce mesmement dont nous avons et
retenons le vice d’appetance et convoitise. Car l’homme a deu estre iusques icy, ainsi que
l’intention de raison conduit l’ame : à fin, par elevation d’esprit en Dieu, de contemner la partie
mortelle, laqeulle Dieu luy a octroyée, pour conserver et garder le monde inferieur. Car à fin que
l’homme fust tres parfaict et accomply, tant d’une que d’autre partie (c’est à dire, tant du corps que
de l’ame) prends garde comme il a esté de Dieu formé, tant d’une que d’autre part, de quatre
elemens, de deux piedz, de deux mains, et de tous autres membres de son corps, par le moyen et
ayde desquelz il eust à servir au monde inferieur, c’est-à-dire, terrien. Et quant aux quatre parties de
l’ame, qui sont le sens, l’esprit, memoire, et providence, il eust par leur conduite et raison, à
cogoistre, et contempler toues choses divines. De maniere qu’il se faict que l’homme par soigneuse
et diligente inquisition, encherche les diversitez, qualitez, effectz, et quantitez de toutes choses.
Mais retardé par un trop pesant vice de ce corps, ne peult parfaitement prevoir, les vrayes


Le devoir d’un homme de bien.

causes de nature. L’homme doncques ainsi faict, et commis par le souverain Dieu à la charge, de
gouverner le monde : et en une mondicité de tout son possible le maintenant et contregardant : en
devotement adorant Dieu : en dignement obeyssant, et se conformant à sa volonté, en l’une et
l’autre sienne nature, de quel salaire le diroys-tu devoir estre salarié ? Or tenons nous et confessons,
le monde estre oeuvre de Dieu. Celuy doncques qui par sa diligence contregarde la beauté d’iceluy,
et de iour en iour l’augmente et acroist, conferme toutes ses oeuvres au vouloir de Dieu, abellist par
le travail de son corps son espece, qu’il a fomée par sa divine providêce, de quel salaire croys tu
devoir estre remuneré, sinon de celuy duquel ont esté remunerez noz ancestres ? Duquel aussi
desirons nous devotement (s’il plaist à la divine mercy) estre salariez, à fin qu’apres avoir
vigoureusement guerroyé en ceste mortelle bataille, et estre sassez des gage de ce mortel corps, et
delivrez de sa prison, nous rende purs et netz à la nature de la superieure partie, c’est-à-dire, divine.


ASCLEPIUS : Vostre dire est iuste et raisonnable, Trismegiste. Car de faict, ie pense que ce soit la,
le dondigne loyer et remuneration de ceux qui vivent soubz Dieu sainctement, et au monde
prudemment. Car ceulx qui au contrire auront faict, et meschantement conversé en ce

La damnation des iniques.

Monde, ne pourront iamais retourner lassus au ciel : ainçois leur est de Dieu ordonné une demeure
et habitation orde, et sale, et indigne d’une saincte ame, autre part. Ou certes convient dire et
conclure, selon le disocurs et pretendu de vostre propos, o Trismegiste, qu’il y a quelques ames,
lesquelles en ceste mortelle vie sont en danger de deschoir, et estre frustrées de l’attente de future
eternité, et beatitude. Ce que nonobstant, est à aucune incredible, envers les autres fabuleux, les
autres paraventure le tournent à mocquerie. Tant est doux et mayable le fruict, que l’on prend en ce
que l’on possede en ceste vie corporelle. Ce qui est la cause que malignité sur immortalité
enuyeuse, detient l’ame le col (par maniere de dire) si fort de travers, qu’elle detenuüe de sa partie
mortelle, ne luy est permis vor ne cognoistre, celle qui es divine. Car i’oseroys dire (quais devinant
ce que doit advenir) qu’il n’y aura par cy apres, aucun esgard entre les humains de vraye et simple
philosophie, sans qu’il n’y ayt en elle, quelque simulation entremeslée. Laquelle philosophie certes,
n’est autre chose, qu’une assidue et continuëlle intendence à divine cognoissance, saincte religion,
et amour de Dieu. Car plusieurs sont des a present, qui en diverses sortes la confondent. Mais à ce
propos ie vousisse bien sçavoir, o Trismegiste, comment se faict


La philosophie incompréhensible.

que plusieurs sont la philosophie incomprehensible, et comme en tant de manieres la confondent et
abastardissent.


TRISMEGISTE : Cela se fait o Asclepe, à cause que par cauteleuse et perverse invention, la
meslent avecques autres diverses sciences incomprehensibles, comme Arithmetique, Musique, et
Geometrie. Mais il fault que la vraye, entiere, et pure philosophie, et qui seulement depend de Dieu,
soit telle, que de si ententive et ardente curiosité, elle s’emplye aux autres sciences, que sur toutes
choses s’esmerveille, comment il se peut faire, que les revolutions et mouvemens des astres, leurs
prefinies et limitées stations, et le cours de leur changment, consistent par nombres, poix, et
mesures. Pareillement qu’en cognoissant les compartimens, qualitez, et quantitez de la terre, les
abismes et profondeurs de la mer, la force et violence du feu, avecques la nature et l’effect de toues
ces choses, elle s’esmerveille, adore, et collaude leur artificiel facteur, qui est Dieu. Sçavoir aussi
pareillement la Musique, n’est autre cas, que entendre l’ordre de toutes choses, et ce que divine
raison a voulu eslire et ordonner. Car l’ordre de chasque chose, par vive et artificielle raison conferé
et rapporté en une sur toues les autres, faict un tres harmonieux et parfaict accord à divine melodie.
ASCLEPIUS : Que fera-ce doncques des hommes, qui viendront apres nous Trismegiste ?

TRISMEGISTE : Eux deceuz par l’imposture des Sophistes, avecques desdaing et mespris se
destourneront de la vraye, et saincte philosophie. Car d’adorer Dieu avecques simplesse d’esprit,
d’honorer et reverer ses oeuvres, de rendre finablement action de graces à sa volonté (qui est la
seule pleine de toute doulceur et bonté) est la philosophie, de nulle facheuse curiosité d’esprit
violée, et corrompuë. Soit iusques icy traité de ces choses.


L’argument du septiesme chapitre.

Le septiesme contient de la creation du monde : de la matiere, de l’esprit qui la suyt et
accompaigne, et du lieu toutes choses ont esté faictes et crées : ce qui est une philosophie occulte. Il
ditct que toues choses mondaines sont au monde contenues, et le monde en Dieu. Il appelle lieu, le
poinct de la matiere ; ce que l’incite à dire, et estre d’opinion que le lieu du monde ne fut oncques
né : mais que le monde l’a esté, en ayant esgard à l’oeuvre des creatures : et fine l’a point esté en
prenant garde à leur ouvrier et createur : Car Hylé (dit il) et l’esprit, c’est-à-dire, le monde, et
quelque vertu divine diffuse et espandue par toutes choses, n’estoient pas en l’ouvrage du monde
premier qu’ilz fussent nez : ains en celuy, duquel ont deu avoir leur naissance et production. Mais
en qui estoient ilz, sinon en ce verbe divin, par lequel toutes choses sont faictes ? Et en qui estoit la
vie de tout ce qui a esté faict. Et d’où finablement est issu, tout ce qui est faict. Il dit en apres que
Hylé, c’est-à-dire, la matiere du monde, est aussi tost seconde de qualité causative de bien, que de
mal, pour autant qu’elle est capable de tous les dux, ainsi comme quelque terre, laquelle produit
aussi bien les bonnes que les mauvaises herbes, au cas pareil est il de Hylé, en la production de bien
et de mal. Il dict toutesfois, que Dieu a en cela prouveu aux hommes (en tant qu’il a esté
raisonnable et de necessité) en ce qu’il leur a donné sens, science, et intelligence, pour repugner à
ceste proprieté materielle, de peur que malice ne surprint et occupast la spirituelle qui est en nous,
ainsi que fait quelque meschante herbe, une terre habandonnée sans labeur, et dont l’on ne tient
conte. Il dispute finablement quelque peu de l’esprit, lequel est par tout diffus et espandu. Des
enfers semblablement, et du sens, lequel est une influence des choses divines, es entendemens
humains, comme les rayons de quelque lumiere es yeux.


Chapitre VII.

Raison pourquoi le monde est appelé Cosmos.


corrompuë, n’est autre que d’estre par simplicité d’esprit et entendement obeyssant aux
commandement de Dieu : avoir ses faitz en reverence : luy rendre action de graces
continuellement : et le prier que sa volôté soit tousiours en tout et par tout faicte et accomplye,
laquelle est la seule tres pleine de toute bonté et clemence.


Chapitre VI.

Il fault entendre premierement que Dieu est le principal Seigneur d’eternité, le monde second,
l’homme le tiers. Le facteur du monde et de tout ce qu’il contient en sa rondeur, ne est autre que
Dieu. Lesquelles toutes choses gourverne par sa providêce, et à crée par sa puissance, avec leur
second gouverneur, qui est l’homme. Lequel prenant là totalle charge, et superintendence d’icelles,
a tant faict par la propre diligence, que luy et ledict monde se sont faict honneur, plaisir mutuel, et
reciproque. De maniere qu’il semble le monde avoir esté droictement appellé des Grecz Cosmos, à
cause de ceste divine compositiô de l’homme. Lequel se cognoist, et si cognoist le monde, à fin de
se recoler de la convenance qu’il y a entre ses parties, et recognoistre desquelles il doit user et


Le monde et l’homme les deux images de Dieu.


s’en servir, et esquelles il doit obeyr. En rendent à Dieu loüanges et action de graces, et faisant
honneur à son image, non ignorant foy aussi estre la seconde de Dieu, estans deux en nombre, à
sçavoir le monde, et l’homme. Duquel homme, attendu que le corps et l’ame, ne soit qu’une seule
conionction, il se faict que du costé qu’il est divin, c’est-à-dire de l’ame, du sens de l’esprit, et
deraison, monte es cieux, comme consistant des elemens superieurs. Mais du costé qu’il est terrien
et mondain, c’est-à-dire, du feu, de l’air, de l’eau et de la terre, il semble que il doit en icelle
demontrer mortel, de peur de laisser desertes, et en viduité les choses, qui luy ont esté commises par
son createur. Car pour autre cause n’a esté faite humanité d’une part divine, et d’autre mortelle, et
assemblée en un corps, que pour celle là. Quant à la mesure de l’une et l’autre partie, c’est-à-dire, de
l’homme, elle consiste premierement en toute religion, veneration et obeyssance divine, que bonté
finablement semble lors estre parfaicte, quand elle manie, de vertu, mesprise et contemne toutes
cupiditez des choses reculées de sa nature. Car defaict toutes choses terriennes, lesquelles se
possedêt par charnelle convoitise sont totallement reculées de l’affection qu’on doit avoir en Dieu.
Lesquelles choses sont à iuste raison apellées possessiôs, à cause


Les convoitises et possessions.

qu’elles ne sont pas nées avecques nous mais apres nostre naissance avons commencé à les
posseder. Toutes telles choses doncques sont à l’homme contraires, et luy nuyssent, et le corps
mesme, pour despriser tout ce que par sensualité appettons et ce mesmement dont nous avons et
retenons le vice d’appetance et convoitise. Car l’homme a deu estre iusques icy, ainsi que
l’intention de raison conduit l’ame : à fin, par elevation d’esprit en Dieu, de contemner la partie
mortelle, laqeulle Dieu luy a octroyée, pour conserver et garder le monde inferieur. Car à fin que
l’homme fust tres parfaict et accomply, tant d’une que d’autre partie (c’est à dire, tant du corps que
de l’ame) prends garde comme il a esté de Dieu formé, tant d’une que d’autre part, de quatre
elemens, de deux piedz, de deux mains, et de tous autres membres de son corps, par le moyen et
ayde desquelz il eust à servir au monde inferieur, c’est-à-dire, terrien. Et quant aux quatre parties de
l’ame, qui sont le sens, l’esprit, memoire, et providence, il eust par leur conduite et raison, à
cogoistre, et contempler toues choses divines. De maniere qu’il se faict que l’homme par soigneuse
et diligente inquisition, encherche les diversitez, qualitez, effectz, et quantitez de toutes choses.
Mais retardé par un trop pesant vice de ce corps, ne peult parfaitement prevoir, les vrayes


Le devoir d’un homme de bien.

causes de nature. L’homme doncques ainsi faict, et commis par le souverain Dieu à la charge, de
gouverner le monde : et en une mondicité de tout son possible le maintenant et contregardant : en
devotement adorant Dieu : en dignement obeyssant, et se conformant à sa volonté, en l’une et
l’autre sienne nature, de quel salaire le diroys-tu devoir estre salarié ? Or tenons nous et confessons,
le monde estre oeuvre de Dieu. Celuy doncques qui par sa diligence contregarde la beauté d’iceluy,
et de iour en iour l’augmente et acroist, conferme toutes ses oeuvres au vouloir de Dieu, abellist par
le travail de son corps son espece, qu’il a fomée par sa divine providêce, de quel salaire croys tu
devoir estre remuneré, sinon de celuy duquel ont esté remunerez noz ancestres ? Duquel aussi
desirons nous devotement (s’il plaist à la divine mercy) estre salariez, à fin qu’apres avoir
vigoureusement guerroyé en ceste mortelle bataille, et estre sassez des gage de ce mortel corps, et
delivrez de sa prison, nous rende purs et netz à la nature de la superieure partie, c’est-à-dire, divine.


ASCLEPIUS : Vostre dire est iuste et raisonnable, Trismegiste. Car de faict, ie pense que ce soit la,
le dondigne loyer et remuneration de ceux qui vivent soubz Dieu sainctement, et au monde
prudemment. Car ceulx qui au contrire auront faict, et meschantement conversé en ce


La damnation des iniques.

Monde, ne pourront iamais retourner lassus au ciel : ainçois leur est de Dieu ordonné une demeure
et habitation orde, et sale, et indigne d’une saincte ame, autre part. Ou certes convient dire et
conclure, selon le disocurs et pretendu de vostre propos, o Trismegiste, qu’il y a quelques ames,
lesquelles en ceste mortelle vie sont en danger de deschoir, et estre frustrées de l’attente de future
eternité, et beatitude. Ce que nonobstant, est à aucune incredible, envers les autres fabuleux, les
autres paraventure le tournent à mocquerie. Tant est doux et mayable le fruict, que l’on prend en ce
que l’on possede en ceste vie corporelle. Ce qui est la cause que malignité sur immortalité
enuyeuse, detient l’ame le col (par maniere de dire) si fort de travers, qu’elle detenuüe de sa partie
mortelle, ne luy est permis vor ne cognoistre, celle qui es divine. Car i’oseroys dire (quais devinant
ce que doit advenir) qu’il n’y aura par cy apres, aucun esgard entre les humains de vraye et simple
philosophie, sans qu’il n’y ayt en elle, quelque simulation entremeslée. Laquelle philosophie certes,
n’est autre chose, qu’une assidue et continuëlle intendence à divine cognoissance, saincte religion,
et amour de Dieu. Car plusieurs sont des a present, qui en diverses sortes la confondent. Mais à ce
propos ie vousisse bien sçavoir, o Trismegiste, comment se faict


La philosophie incompréhensible.

que plusieurs sont la philosophie incomprehensible, et comme en tant de manieres la confondent et
abastardissent.


TRISMEGISTE : Cela se fait o Asclepe, à cause que par cauteleuse et perverse invention, la
meslent avecques autres diverses sciences incomprehensibles, comme Arithmetique, Musique, et
Geometrie. Mais il fault que la vraye, entiere, et pure philosophie, et qui seulement depend de Dieu,
soit telle, que de si ententive et ardente curiosité, elle s’emplye aux autres sciences, que sur toutes
choses s’esmerveille, comment il se peut faire, que les revolutions et mouvemens des astres, leurs
prefinies et limitées stations, et le cours de leur changment, consistent par nombres, poix, et
mesures. Pareillement qu’en cognoissant les compartimens, qualitez, et quantitez de la terre, les
abismes et profondeurs de la mer, la force et violence du feu, avecques la nature et l’effect de toues
ces choses, elle s’esmerveille, adore, et collaude leur artificiel facteur, qui est Dieu. Sçavoir aussi
pareillement la Musique, n’est autre cas, que entendre l’ordre de toutes choses, et ce que divine
raison a voulu eslire et ordonner. Car l’ordre de chasque chose, par vive et artificielle raison conferé
et rapporté en une sur toues les autres, faict un tres harmonieux et parfaict accord à divine melodie.

ASCLEPIUS : Que fera-ce doncques des hommes, qui viendront apres nous Trismegiste ?


TRISMEGISTE : Eux deceuz par l’imposture des Sophistes, avecques desdaing et mespris se
destourneront de la vraye, et saincte philosophie. Car d’adorer Dieu avecques simplesse d’esprit,
d’honorer et reverer ses oeuvres, de rendre finablement action de graces à sa volonté (qui est la
seule pleine de toute doulceur et bonté) est la philosophie, de nulle facheuse curiosité d’esprit
violée, et corrompuë. Soit iusques icy traité de ces choses.


L’argument du septiesme chapitre.

Le septiesme contient de la creation du monde : de la matiere, de l’esprit qui la suyt et
accompaigne, et du lieu toutes choses ont esté faictes et crées : ce qui est une philosophie occulte. Il
ditct que toues choses mondaines sont au monde contenues, et le monde en Dieu. Il appelle lieu, le
poinct de la matiere ; ce que l’incite à dire, et estre d’opinion que le lieu du monde ne fut oncques
né : mais que le monde l’a esté, en ayant esgard à l’oeuvre des creatures : et fine l’a point esté en
prenant garde à leur ouvrier et createur : Car Hylé (dit il) et l’esprit, c’est-à-dire, le monde, et
quelque vertu divine diffuse et espandue par toutes choses, n’estoient pas en l’ouvrage du monde
premier qu’ilz fussent nez : ains en celuy, duquel ont deu avoir leur naissance et production. Mais
en qui estoient ilz, sinon en ce verbe divin, par lequel toutes choses sont faictes ? Et en qui estoit la
vie de tout ce qui a esté faict. Et d’où finablement est issu, tout ce qui est faict. Il dit en apres que
Hylé, c’est-à-dire, la matiere du monde, est aussi tost seconde de qualité causative de bien, que de
mal, pour autant qu’elle est capable de tous les dux, ainsi comme quelque terre, laquelle produit
aussi bien les bonnes que les mauvaises herbes, au cas pareil est il de Hylé, en la production de bien
et de mal. Il dict toutesfois, que Dieu a en cela prouveu aux hommes (en tant qu’il a esté
raisonnable et de necessité) en ce qu’il leur a donné sens, science, et intelligence, pour repugner à
ceste proprieté materielle, de peur que malice ne surprint et occupast la spirituelle qui est en nous,
ainsi que fait quelque meschante herbe, une terre habandonnée sans labeur, et dont l’on ne tient
conte. Il dispute finablement quelque peu de l’esprit, lequel est par tout diffus et espandu. Des
enfers semblablement, et du sens, lequel est une influence des choses divines, es entendemens
humains, comme les rayons de quelque lumiere es yeux.


Chapitre VII

Hylé la matière du monde.


Or commençons maintenant à traiter de l’esprit, et de telles chose. Il faut sçavoir en premier lieu,
que Dieu, et le monde, qui des Grecz est apellé Hylé, estoient avât toute autre chose que Dieu crea
oncques, et que l’esprit accopaignoit le monde, mais non toutesfois à la sorte et maniere qu’il
accompaignoit Dieu. Et de fait aussi ce dequoy a est fait le monde, n’est pas Dieu Et à ceste cause,
il n’avoit aucun estre, paravant qu’il fust crée, encore quil fust desia(1) lors en celuy duquel il à peu
avoir sa naissance. Car non seulementce qui n’est encor né, est dit n’avoir naissance aucune : mais
aussi ce qui est tellement privé de fertilité generative, que d’iceluy ne puisse aucune aucune chose
naistre ne produyre. Toutes choses donc es quelles gist nature generative, encor que d’elle mesmes
elles soient nées, si est ce qu’elle peuvent engendreer celles, desquelles on peult naistre. Car il ny a
doubte, que de celles lesquelles sont d’eux mesmes nées, ne se puissent facilement engendrer celles,
desquelles naissent, et s’engendrent toutes choses. Dieu donc qui est sempiternel et eternel, ne peult,
ny n’a peu naistre aucunement. C’est celuy qui est, qui a esté, et qui sera à tousiours mais. C’est
donc là sa nature, estant entierement de soy, sans aucune participation d’autruy.
(1) : desia (déjà)

Force et vertu de la qualité de Hylé.


Car si autrement estoit, c’est-à-dire, qu’il particpast de quelque autre nature que de la sienne propre,
il ne seroit pas parfait en eternelle puissance et maiesté, comme il est. Hylé donc, ou autrement, la
nature du monde et l’esprit, iaçoit qu’il semble qu’ilz ayent esté nées des adonc le commencement,
si est ce neantmoins, qu’ilz ont de soy vertu de procreation et naissance, et nature de foecondité. Et
defait leur commencement gist en qualité de nature, laquelle obtient en soy et possede la vertu et
matiere de toute conception et production. Elle donc est seule, laquelle facilement s’engendre sans
autre conception, que de la sienne propre. Si fault il neantmoins tellement separer ce, qui seulement
obtient vertu conceptive, de la conionction de l’autre nature, qu’il ne semble icy que le lieu du
monde, et ce qui est en luy, ay esté, né. Or entenday-ie dire par ce lieu, celuy auquel sont et
côsistent toutes choses. Au moyê qu’elles n’eussent peu estre, si n’y eust eu quelque lieu pour les
soutenir et porter. Et pour ceste cause, il à premieremment fallu prouvoir au lieu pour les colloquer,
paravant que les faire. Car autrement ne les qualitez, ne les quantitez, ne les assiettes et proportions,
ne les effectz des choses, qui fussent esté privées de lieu, eussent peu estre congneuës. Par ainsi
encores que le monde n’ayt esté ,é, si ha il toutesfois en soy


L’entendement du Monde.

la nature et proprieté de toutes choses, pour autant qu’il ottroit aux choses susdictes, ses gyrons et
estandues tesfertiles, et tres aptes à concevoir. Cela donc appartient du tout entierement à qualité, et
à la matiere creable, ores qu’elle ne soit crée. Car tout ainsi qu’il y a qualité foeconde en la nature
de la matiere, aussi est elle mesme foeconde de malignité. En quoy ie ne veulx dire ne maintenir, o
Asclepe et Ammon, ce que dient plusieurs, demandans temeraierement, si Dieu ne pouvoit tollir, ou
divertir malice de la nature des choses : auxquelz certes ne fault faire aucune response. Ce que
nonobstât pour l’amour de vous ne desisteray à poursuyvre, et en rendray raison. Ilz disent donc,
que Dieu debvoit totallement delivrer le môde de malice. Car elle est au monde en telle sorte
plantée (disent ilz) qu’il semble qu’elle soit en luy comme l’un de ses membres, bien et dument
pourveu et ordonné par le treshault et trespuissant Dieu, lors qu’il luy à pleu doter les entendemens
humains de sicnece, sens, et intellignece. Auxquelz soit faict responce, que par le moyê de ces troys,
par lesquelles nous excellons tous autres animaux, nous est donné de Dieu par-dessus eux, le povoir
d’eviter les fraudes, dolz, et vices de malice. Qui faict que par cela nous congnoissions
communément celuy la estre muny de prudence et intelligence divine,


Hermès et le fondement de toute connaissance.

Lequel les evite, premier qu’il soit d’elles surpris. Car le fondement de science, consiste en
souveraine bonté. Quant à l’esprit, il fault entendre que par luy sont toutes choses en ce monde
administrées et maintenues en vigueur, et qu’il est comme l’organe du souverain Dieu, subiect à sa
volonté. Que ce hault et supreme Dieu, donc, lequel est par le suel entendement intelligible, soit
d’icy en avant de nous entendu estre le recteur et gouverneur du dieu sensible, c’est-à-dire, de celuy
qui embrasse en soy tout lieu, et contient l’entiere substance de toutes choses, avec la totallle
matiere de tout ce qui engendre et produist. Brief de tout ce qui est et consiste, de quelque
precellence, magnitude et grâdeur qu’il puisse estre. Mais que par l’esprit sont agitées, ou (pour
mieux dire) regies et gouvernées toutes especes en ce monde, une chacune selon la nature et
proprieté, que Dieu luy à distribuée. Ce monde donc, est de toutes choses receptacle, et leur
mouvement et continuation, ayâs Dieu sur elles pour leur gouverneur, leur dispensant tout ce qui
leur est necessaire. Mais l’esprit les remplit toutes, de quelque nature qeu soit leur qualité. Car la
rondeur du monde, est cause en façon d’une sphere, estant cause soy-mesme de sa forme et qualité.
Et si est toute invisible. Car quelque lieu que tu pusses eslire en elle le plus hault, pour regarder
dessoubz,


Les quatre éléments et les cieux.

en regardant de ce lieu là, tu ne sçaurois voir qu’il peul avoir en bas. Ce qui est cause, qu’elle est en
divers lieux pressée, et qu’on l’estime avoir quelque qualité. Car on croyt qu’elle soit presques
visible, lors qu’on la voit peincte par les seules formes d’especes, aux images desquelles, elle
semble estre engravée : mais au vray dire, elle est tousiours de soy-mesme invisible. Qui faict que
sa plus basse partie, soit un lieu en la sphere (si toutesfois se doibt appeler lieu) qu’on nomme Ades
en langue Grecque. Car eden en Grec vault autant à dire que voir, par ce que le bas de la sphere ne
se peult voir. D’où vient que les especes, s’appellent communément en Grec Idées, parce qu’elles
sont d’une forme invisible. Pour autant doncques qu’elles sont invisibles, elles se nomment en Grec
Ades : en ce qu’elles sont au bas de la sphere, elles s’appellent en vulgaire Enfers. Sont doncques
icy les poinctz principaux et les plus authentiques, et presque les commencemens, et chefz, de
toutes choses mondaines, qui se font par eux, ou procedent d’eux.


ASCLEPIUS : Il fault doncques par ce poinct dire, o Trismegiste (ainsi que l’on peult recueillir par
tes parolles) qu’en toutes ces choses cy que tu appelles mondaines de toutes especes (s’il fault ainsi
dire pour les descrire) qu’il y ayt en une chacune d’elles à particulier une parfaite substance, ainsi
qu’elles se comportent.


La clarté de l’entendement.

TRIMEGISTE : Tu doibs sçavoir que le monde nourrist et alimente les corps, et l’esprit les ames :
mais que le sens, qui est un don celeste, au moyen duquel est heureuse humanité, nourrist
l’entendement. Combien qu’il y en ayt bien peu qui ayent cest heur de sens, sçavoir est, ceux
desquelz est tel l’entendement, qu’il puisse estre capable d’un tel bien. Car tout ainsi que le monde
a sa clarté du Soleil, au cas pareil l’entendement hyumain a la sienne du sens, et beaucoup plus. Au
moyen qu’à tout ce que le Soleil donne clarté, à quelque fois la nuyt survenante par l’interposition
de la Terre et de la Lune, est privé de clarté. Mais lors que le sens c’est une fois meslé avecques
l’ame humaine, il ne se fait qu’une nature d’eux deux : par laquelle union et mutuelle assemblée,
croissent tousiours, et s’entrelassent l’un avecques l’autre : de sorte que telz entendemens ne sont
plus empeschez d’erreur, et forvoyement de tenebres. Qui faict que non sans cause, quelques uns
ayent dict, que les sens estoient les ames des Dieux. Mais quant à moy, ie ne dy pas qu’ilz soient
d’eulx tous : mais seulement des plus grands, et principaux.


L’argument huitième du chapitre.

Le huictiesme traicte des princes substancielz des astres, qu’il appelle dieux, dont celuy du ciel est
iuppiter : et celuy du Soleil, sa lumiere. IL mect puis apres trente six horscopes des astes, c’est-àdire,
sepculateurs des haures, estans fixes en un, et mesme lieu du firmament, et ppelle leur prince
Pantamorphon, qui vault autant à dire, comme omniforme, ou contenant toutes formes. Il dit que les
princes substancielz, des sept spheres erratiqeus, sont fortune et fatalité. Il met aussi celuy de l’air.
Mais il semble que tout cecy ne soient que sainctises, et inventions diaboliques, et atures vaines
illusions, lesquelles attirent l’homme en l’erreur des Payens, et le contraignent beaucoup plus (se il
s’y arreste) à s’adonner à vaines choses, que par cela recuillir quelque prouffit et utilité. Apres il
retourne derechef à la contemplation du souverain Dieu, le disant estre ineffable, à qui l’n ne peult
donner nom, qui soit assez suffisant pour declarer sa haultesse et maiesté : ains qu’il doibt estre
nommé de tous noms. Il le dit estre tres plein de toute fertilité, pour autant que toutes choses
retiennent de luy telle prerogative, qu’il n’y a nulles d’entre elles, qui n’ayt en soy plantureuse
fertilité. D’où procede ce mutuel amour, et ceste grande application qu’un chacun a de nature, à
procréer son semblable, n’ayant en soy aucune vilenie ne deshonnesteté, ou infamie pourveu qu’on
n’y pense point mal, ny qu’on en parle, ou qu’on en traicte sinon qu’avecques craincte de Dieu, et
honte religieuse. Car cela a esté de Dieu ordonné et permis, à fin d’imiter sa divine fertilité. Mais
pour raison que la plus grande part des hommes, ignorent ces mystères, prophanent les loix divines,
et à la façon des bestes brutes traictent ces mysteres avecques grande irreverence, comme gens
insensez, furieux, et hors du sens, à cause de quoy à grand’ difficulté ose l’on maintenant y penser,
n’y en parler, de honte qeu l’on en a. Et ce principallement pour autant que les desordres,
confusions, et irreverences, des hommes envers la venerable ordonnance de Dieu, s’ingerent
beaucoup plus tost à noz sens, et pensées, que la saincte, incontaminée, et sans souilleure. Et pour
raison qu’il est donné à peu de gens avoir entier sens et raison, ie suis d’avis qu’il en soit peu parlé,
et encore moins pensé. En apes Mercure adiouste, que Dieu à sur toutes autres creatures de ce
monde à l’homme seul de party et octroyé intelligence et discipline, à celle fin que du costé qu’il est
immortel et divin, peust fuir et eviter les vices, lesquelz pourroit autrement facillement encourir, au
moyen de la mixtion et meslée de ceste masse corporelle avecqeus la divine. Car à raison du corps
et de ceste partie dissoluble, il ne se peult faire autrement que les desirs et convoitises, et autres
vices de l’ame ne tombent es espritz humains.


Il y a une partie des astres intelligible.

ASCLEPIUS : Qui sont ceux que tu dis estre chefz, de toutes choses, ou commencemens des
commencemens, Trismegiste ?


TRISMEGISTE : Ie te descouvre, et donne à entendre de haultz mysteres, o Asclepe, lesquelz avant
que commencer à declarer, et pour bien les poursuyvre, nous demanderons la grace et faveur
celeste. Il fault premierement sçavoir, qu’il y a plusieurs sortes de dieux, desquelz l’une partie est
inteligible, et l’autre sensible. Celle qui est intelligible est ainsi appellée, non qu’il ne faille estimer,
qu’ilz ne soient soubmis à noz sens (car de faict nous les sentons beaucoup plus que ceulx que nous
appellons visibles) ainsi que pourrons aisément voir, et cognoistre par la presente dispute, se nous y
voulons entendre. Car la raison et cognoissance de ce, est fort haulte, et plus divine qeu les
entendemens et intention des hommes, ne peuvent comprendre. En manière que si tu ne reçoys les
parolles de ceulx qui parlent, avecques un ardent et ententif plaisir d’oreille, elle ne fera aucun
seiour en toy, mais oultre passera, comme faict l’eau dedans quelque vaisseau percé : ou bien
recoulera es liqueurs de sa primitive fontaine. Or est il doncques à sçavoir


Jupiter Prince substantiel du ciel.

Que les dieux sont les princes de toutes especes.Il y en a aucuns toutesfoys (dont le prince est
appellé en langue Grecque Ousia, que nous tournons en la nostre substance) lesquelz sont sensibles,
et semblables en l’une et l’autre leurs orifines, à cause que par nature sensible sont toutes choses :
un chacun d’eux illuminant son oeuvre, par le moyen de leurs deux origines, à sçavoir, intelligible et
sensible. Le prince substanciel du ciel, ou de tout ce qui est comprins soubz ce nom, est Iupiter. Car
par le ciel, Iupiter donne vie à toutes choses. Le prince substanciel du Soleil ; est la lumiere. Car le
bien de la lumiere, est sur nous espandu, par le tour et circuit du Soleil. Il y a semblablement trente
six estoilles assemblées en un signe, estans sixes tousiours en un lieu, lesquelles on appellé
vulgairement Horscopes, ou speculateurs des heures, ayans un Prince substanciel, qu’on nomme en
Grec Panthamorphon, ou omniforme, par ce qu’il faict et imprime diverses formes par diverses
especes. Les sept spheres que l’on nomme erratiques, ont deux princes substancielz, dont le premier
est Fortune, le second Destinée fatalle : par lesquelz, sont toutes choses changées, par une ferme
stabilité de la loy de nature, et par un continuel et sempiternel mouvemêt. Quand à l’air, il est
l’organe et instrument de toutes choses, au moyen duquel, elles se font toutes.


Dieu le souverain seigneur et Prince de tout.

Duquel le Prince substanciel, est bon, doulx, gracieux, et favorable aux humains. Toutes ces choses
doncques se comportans ainsi, et se mouvans depuis le bas iusques au hault, il fault, entendre en
apres que celles lesquelles apartiênent à soy naturellemêt, sont en telle sorte et manière
ansemblemêt liées, que les mortelles sont conioinctes avec les mortelles, les sensibles avec les
sensibles. Toutesfois, le sommaire et neud de tout leur gouvernement, obeist au souverain seigneur :
non pas neantmoins comme plusieurs et diverses choses ou plus tost comme une particulierement.
Car defaict toutes choses dependantes, ou plus tost extraictes d’une lors qu’elles sont séparées les
unes des aultres chacune à par soy, il semble qu’elles soient en divers et pluratif nombre : mais
quand elles sont r’assemblées et conioinctes comme au paravant, il est advis qu’elles ne sont
qu’une, ou deux. I’entends parler de celles dont toutes choses sont faictes, et de celuy par lequel
elles sont toues faictes, c’est-à-dire, de la matiere de laquelle elles sont faites, et de la volonté de
celuy par le vouloir, consentement, et accord duquel, elles sont faites.


ASCLEPIUS : Quelle raison apportes-tu encore à cecy, o Trismegiste ?


TRISMEGISTE : Telle comme te la diray, o Asclepe. Fault qeu tu sçache, qu’ores qeu Dieu soit
nommé le père, ou le seigneur de toutes choses,


Que Dieu est ineffable et innommable.

Ou qu’il soit encore, de quelque autre non plus sainctement et religieusement apellé des hommes,
lequel nom, à cause de nostre intelligence puisse estre entre nous tenu cher et sacré, si est ce
neantmoins, qu’en ayant esgard à sa haute maiesté et puissance, nous ne sçaurions par aucun de ces
noms, assez expressement et precisement le nommer. Car si ainsi est que ceste voix, n’est autre
chose qu’un son provenant de la repercution de l’air, declarant l’entiere volonté de l’homme, et
l’apprehension qu’il a d’aventure apperceuë en son entendement, par le moyen des sens(duquel nom
la parfaicte substance est composée, exprimée, et limitée de peu de syllabes, à fin qu’il y ayt en
l’homme communauté et accointance necessaire tant de voix, comme d’oreille, ensemble du sens,
de l’esprit, de l’aire, et de tout ce qui en eux consiste, et se faict par eux) est-ce à dire pourtant, que
le nom et appellation de Dieu, gise totalement en ces choses ? Non asseurement. Car ie ne pense pas
que le facteur de toutes choses, et accomplisseur de toute maiesté, estant le père et seigneur de tout
ce qui est faict, et se fera, se puisse exprimer nomméement de bouche humaine d’un nom, et fust il
ores composé de plusieurs. Si est il neantmoins de necessité, qu’il soit nommé d’un nom, ou plus
tost de tous nôs, au moyen qu’il n’est qu’un seul, et si est tour. Ou bien

Ce que c’est que la volonté de Dieu.

dire, que toutes choses soient son nom ou le nommer des noms de toutes choses. Luy doncques seul
comme toutes choses, estant plantureusement plein de fecondité des deux sexes, et gros de sa
volonté, enfante tout ce, à qui luy plaist donner production et naissance. Laquelle volonté, n’est
autre chose qu’une souveraine bonté, sur toutes choses diffuse et espandue. De la divinité de
laquelle est née nature, à fin que toutes choses fussent ainsi qu’elles sont, et on esté, et seront à
l’advenir, et que la dicte nature fust suffisante à tout ce qui d’elle prend sa naissance. Voylà
doncques la raison renduë, o Asclepe, pourquoy, et comment sont faictes toutes choses, ayans
participation de deux sexes.


ASCLEPIUS : Vous dictes doncques par ce moyen, que Dieu est de double sexe, o Trismegiste.

TRISMEGISTE : Non Dieu seulement, o Asclepe, mais aussi tout ce qui possede nature animée, ou
inanimée. Car il est impossible que quelque chose de ce qui a estre, puisse estre infertile. Au moyen
que fertilité tolluë d’iceluy, il seroit impossible qu’il peust tousiours estre. Or quant à moy i’ose dire
et maintenr, que nature, le sens, et le monde contiennent en soy telle proprieté et efficace, et que
pareillement la retient tout ce qui est en ce monde crée. Car l’un et l’autre sexe est plein
d’engendrement : ayans une connection et lyaison entre eux deux,


Les dieux d’amour.

ou (ce qui est plus veritable) une nité incomprehensible, laquelle peult on droictement appeler
Cupido, ou Venus, ou tous les deux ensemble. Il convient doncques par ce poinct entendre et retenir
en l’esprit plus veritablement et clerement que le vray, estre icy l’office et devoir de procréer son
semblable, inventé et attribué à tous à perpetuité par le hault et souverain Dieu de nature, en
plantant et enracinant en eux une extreme charité, une loye, une gayeté, un vouloir et amour divin.
Ce que nous declarerions volontiers, sçavoir est, combien grande est la vertu et puissance de ce
devoir de nature, n’estoit que ie sçay que chaun en y prenant advis, le peut assez cognoistre du
profond des sens. Car si tu prends garde à cest article de temps que la semence generative descend
du cerveau, comme l’une et l’autre nature s’espand en l’une et l’autre generation, tu apperçoys aussi
comme l’une reçoit affectueusement, et de grande ardeur, la semence de l’autre, et la cache
interieurement. Finablement comme en cest article de temps par la commistion et meslée mutuelle,
les femmes ravissent la force des masles, dont puis apres se lassent et s’apesantissent par ce moyen.
L’effect doncques de ce tant doulx, et necessaire debvoir, se faict occultement, de peur que les
imperites, et qui sont sans sçavoir et experience se mocquans, la divinité de l’une et


La crainte de Dieu.

l’autre nature fust contraincte avoir honte de la mixtion du sexe. Et beaucoup d’avantage s’il
advenoit estre submise à la veuë de gens qui ne sont conte de religion, et qui n’ont conscience, ne la
crainte de Dieu, devant les yeux. Desquelz certes il en est un nombre infiny : au contraire peu
aymans l’honneur de Dieu : de maniere qu’on les pourroit aisément conter en ce monde, tant est
rare le nombre des gens de bien. Ce qui est cause que malice faict demeure en plusieurs, par default
de sçavoir les causes de toute chose. Car par la pourvoyâce de Dieu, ou de divine religion, par
laquelle ont esté faites et ordonnées toutes choses, s’engêdre es cueurs des hommes, et provient le
mespris et remede côtre tous vices de ce môde. Mais lors que ignorance, et faulte d’experience et
sçavoir perseverent, tous vices pareillement acccroissent de plus en plus, et navrent finablèment
l’ame d’insanables corruptions, et meschancetez infinies. Laquelle estant d’elles infectionnée et
corrompuë, s’enfle comme de quelques veneneuses poisons : fors celles de ceux, qui la
medicamentent par l’onguent de discipline et sçavoir. Si doncques cecy peult prouffiter à quelques
gens de bien, si peu qu’il y en a, sçavoir est pourquoy a voulu Dieu seulement ottroyer aux hommes
sur toutes les creatures de ce monde, intelligence et discipline, ie suis d’advis de le poursuyvre,


Comment les anges sont en grâces.

Et expedier. Entends le doncques o Asclep. Dieu, qui est le pere, et seigneur de toutes choses, quand
il eust faict l’homme apres les dieux (c’est à dire les Anges) et l’eust compassé de pareille balance
tant de la partie corrompuë du monde (c’est-à-dire du corps) que de celle qui est divine, est advenu
que les vices du monde soient demourez meslez, et brouillez avecques le corps. Les aucuns, à cause
des viandes, et de tout le vivre, que nous avons nessairement commun avecques tous les animaulx.
Ce qui est cause, que les desirs de toutes faulses et libidineuses convoytises, et tous autres vices
generallement de l’entendement, soient enracinez au cueurs humains. Mais les dieux pource qu’ilz
sont faictz de la tres pure et incontaminée partie de nature, et qu’ilz n’ont nulle indigence d’ayde de
raison et discipline, encore que leur immortalité et vigueur, estant tousiours d’un, et mesme aage
sans alternation ou vicissitude aucune, soit pour leur prudence, discipline, et sçavoir : si est-ce
neantmoins que pour le regard de l’unité de raison avecques intelligence, craignant Dieu qu’ilz ne
se destournassent de ceste unité, il leur a ordonné par prescription de loy eternelle, l’ordre de
necessité. Et quant à l’homme, à fin qu’il peust cognoistre les vices corporelz, et par seule raison et
discipline les eviter, Dieu l’a eslevé et bandé à intention,


L’excellence de l’homme.

Soing, et esperance d’immortalité. Lequel finablemêt a fait et crée bon, tant du costé de l’une, que
de l’autre nature, sçavoir est divine et mortelle, à celle fin, qu’il fust tant d’une que d’autre part
immortel, et fust par ce moyen de meilleure, et plus excellente nature, que tous les dieux, qui sont
seulement formez de nature immortelle, et finablement que toutes choses mortelles. Dont vient que
l’homme ayant avecques les dieux, alliance, et affinité, leur porte honneur et reverence, par le soing
qu’il a de leur obeyr, et par l’integrité de son entendement. Les dieux aussi de leur costé par
soigneuse affection, ont esgard sur les choses humaines, et les sauluent, et gardent. Ce que certes
fault entendre estre dict de peu de gens, à sçavoir de ceux qui ont devot et sainct entendement. Car
quant aux vicieux, n’en fault iamais parler, pour le merite de nostre tant sainct et divin propos, de
peur qu’il ne soit violé, par l’esgard et intendence, qu’on pourroit avoir en eux.


Tout ce neusiesme est entierement prophane, qui faict qu’à bon droict le reprend sainct Augustin, au 8. livre de la cité de Dieu, chap. 23. Il aprouve idolatrie, et l’exalte de grand’ louanges, en deplorant


Argument du neuvième chapitre.

tant sa ruyne. Il met un Dieu sur la cyme du ciel, qui de toutes parts a esgard sur toutes choses : et
un autre entre le ciel et la terre, qu’il nomme Iuppiter Plutonig’, dispensateur et gourverneur de la
mer, et de la terre, comme s’il y avoir multiplicité de dieux, l’un au ciel, l’autre en l’air, l’autre en
terre et en la mer. Ce que certes côtient grand erreur, iniquité, et iniustice. Car nous sommes
puremêt enseignez par les sainctes lettres, que le seigneur est Dieu lassus au ciel, et ça bas en terre,
et qu’il n’y en a point d’autre que luy. La sapience pareillement avec tous les divins prophetes en
general, nous admonnestent, de sur toutes choses sagement nous garder d’estre souillez de l’erreur,
et macule d’idolatrie. Au moyen (dit Sapience) que tant l’idole, que celuy qui la fait, sont de Dieu
mauditz. Et de rechef. L’honneur qu’on exhibe aux abbominables idoles, est la cause,
cômencement, et fin de tout mal. Et par cas semblable, Dieu hayt le meschant, et sa meschanceté.
Car ce qui est fait, souffrira peines et tourmens, avec celuy qui la fait. Au Levitique pareillement,
Dieu cômande aux Israëlites, en ceste maniere : ie suis vostre Seigneur Dieu, vous ne vous ferz
idole, ny entailleure, vous n’esleverez tiltre d’honneur, ny ne mettrez en vostre terre pierre aucune
d’apparence pour l’adorer. En Ezechiel semblablement, il les advertist en ceste sorte des idoles
d’Egypte. Gardez d’estre pollus es idoles d’Egypte, ie suis vostre Seigneur Dieu. Et de leur
destruction par le mesme prophete : Ie destruyray les simulachres, et feray cesser les idoles de
Memphys, et ne sera plus capitaine ne duc de la terre d’egypte. Touchant ce qu’il dit, que les ames
des idoles et statuês, donnant aux hommes sens et esprit, leur envoyent divinement debilitez et
maladies, et qu’elles les guerissent quand bon leur semble, il n’y a nul qui maintenant ne cogoisse
que sont espritz malings, desquelz parle le prophete Davit par le saint esprit : Tous les dieux des
Payens ne sont que diables.Suffise avoir iusques icy traité de l’impureté des idoles, desquelles parle
Mercure en ce lieu. Car nostre parler, s’adresse à ceux qui ont la cognoissance du vray Dieu, lequel
savoir et cognoistre (ainsi que le Sage dit) est la parfaite et consommée iustice, et la racine
d’immortalité. Lazarclus (que nous avons aussi tourné en vulgaire comme tu verras cy apres) tire
tout cecy à analogie et sens mistiq’, comme si les idoles fussent les Apostres : le tailleur, Iesus
Christ fait homme : la vertu de lassus envoyée et mise dedans lesdites idoles, le saint esprit. Egypte,
les tenebres des Gentilz et Payens, et la persecution des disciples, Apostres, et martyrs. Les pierres
engravées, recitans ses faitz pleins de tout honneur et reverence divine, les cueurs de leurs
successeurs, retenans non leurs oeuvres, ains seulement leurs paroles. Ces choses certes, sont de
bonne et chrestienne affection inventée: mais peut estre violées quant à la lettre. Il n’y a gueres
hommes de bon iugement qui ne


L’alliance entre Dieux et les hommes.

s’accorde en ce present chapitre, et au xiii.
à sainct Augustin. Qui ne scache aussi que les prophetes des Gentilz, comme Balaam, et les sybilles,
ne soient de telle sorte qu’ilz souffent parfoys lumiere et tenebres, lumineux et ombrageux
intervalles de leurs devination : par foys disans verité, par autre mensonge. Voylà le sommaire.


Chapitre IX.

Mais pour raison que nous sommes sur le propos de l’alliance, laquelle est entre les Dieux et les
homms, i’ay bien voulu un peu m’y arrester, à fin de to dôner à cognoistre, o Asclepe, quelle est la
puissance et vertu des hommes. Premierement tu dois sçavoir, que tout ainsi que le seigneur, et pere,
ou (qui est le plus hault) Dieu, est le facteur des celestes Dieux, que l’homme aussi est celuy, de
ceux qui sont es temples, se contentans de l’affinité et proximité humaine. Ausquelz certes non
seulement est donné clarté et lumiere, mais aussi la donnent aux autres. Ce que non seulement sert à
l’hôme, mais aussi conferme les Dieux. Tu t’esmerveilles Asclepe ? Quoy ? Te deffies-tu de cecey,
comme font plusieurs mescreans ?


La folie des idolâtres.

ASCLEPIUS : Au vray dire, ie m’estonne, Trismegiste, et suis en moy mesme tout esperdu, de ce
que tu dis : si est-ce que volontiers m’accordant à ton dire, ie iuge l’homme fort heureux, lequel
peult un si grand heur obtenir.


TRISMEGISTE : Et non sans cause est il digne de grand esmerveillement, o Asclep. Car aussi est il
de trop plus grande excellence, que les dieux. Au moyen qu’il est notoire et evident leur genre estre
yssu de la tres pure et entiere partie de nature sans aucune confusion, et leurs images estre presques
les seulz chefz pour toutes leurs autres choses. Quant à leurs especes que l’homme forme et
pourtraict, elles ont leur figure de l’une et de l’autre nature. La premiere divine, trop plus excellente
que la materielle qui est la seconde, dont elles et les hommes pareillement sont tous faictz et
fabriquez. De maniere que non seulement sont de teste figurez comme les hommes : mais aussi de
tous leurs membres, et entierement de tous lincamês (?) de leur corps. Et ainsi humanité
memoratisve de sa nature et origine, persevere en ceste imitation de divinité. Tellement que tout
ainsi que le pere et seigneur a faict les dieux eternelz : à fin qu’ilz fussent semblables à luy : au cas
pareil l’homme a fait et figuré se dieux à sa semblance.


ASCLEPIUS : Entends-tu dire cela des statuës et simulacres, Trismegiste ?


TRISMEGISTE : Ouy, ie l’entends dire des statues, o Asclepe. Or voy-ie bien maintenant
Les illusions diaboliques.

iusques ou tu as deffiance que les statues ne soiêt animées, pleines de sens et d’esprit, et qu’elles ne
facent telz et si grande merveilles qu’elles font ? Qu’elles n’ayent la cognoissance des choses à
l’advenir, les predisant par songes, et plusieurs autres indices et advertissements ? Qu’elles
finablement n’envoyent foyblesse et maladie aux hommes selon leurs demerites, et ne les
guerissent puis apres ? Ignores-tu Asclepe, que Egypte ne soit l’image du ciel, ou (qui est plus
veritable) la descente de tout ce qui est regy, et se faict au ciel ? Et si nous voulons encore plus
apertement parler, nous pourrons franchement dire, que la terre ou nous habitons est le temple de
tout le monde. Ce neantmoins par ce qu’il fault que gens prudens et sages, sçachent les choses
premier qu’elles se facent, il ne fault pas que vous ignoriez ce que ie veux inferer. Il viendra un
temps par cy apres auquel aparoistra les Egyptiens avoir gardé pour neant divinité, d’un si entier et
parfaict vouloir, et avecques si religieuse affection qu’ilz font, et on fait par le passé. De maniere
que toute leur saincte invocation et reverence faite aux dieux, reduite à rien, descherra de son
attente, à l’occasion que divinité retournera à son premier domicille, qui est le ciel. Et ainsi sera
Egypte delaissée, et la terre laquelle a esté le siege consacré à divinité, sera privée de tout honneur
et


La destruction des idoles.

service divin, et destituée de la presence de toute puissance divine et maiesté. Car les estrangiers
occupans ceste region, non seulement il y aura mespris et contemnement de tous services et
honneurs que l’on avoit coustume de faire aux dieux : ains (qui est chose plus lamentable, et dure à
suporter) il sera ordonné comme par arrest legal, une deffence et prohibition, de faire honneur, ou
porter reverence aux dieux, de leur rendre l’amour et obeyssance qu’on leur doit, et de les adorer,
sur peine de proscription avecques confiscation, et parfois de execution, à celuy qui fera le coup.
Lors ceste terre, qui est le ressainct siege des temples et lieux dediez à noz dieux, sera totallement
remplie de mortz et sepulchres. O’ Egypte, Egypte, il ne demoura en toy aultre chose, que les sables
seulement et depuis devis des honneurs, que tu avois coustume faire aux dieux, estans incredibles à
leur successeurs, et ne restera autre chose que les parolles engravées es pierres, leur recitant les tiens
beaux et excellents faictz, pleins de devoir de toute obeyssance, religion, et amour divin. Et
avecques ce le Scyie ou Lyndien, ou autre tel, c’est-à-dire, la voysine barbarie, habitera l’Egypte. Au
moyen que divinité se retirera au ciel, et les hommes delaissez d’elle, mourront tous : et par ainsi
Egypte


Du fleuve du Nil.

privée de divinité, et d’humanité, sera totallement delaissée deserte, et sans habitation. Il fault aussi
pareillement parler de toy, o tres sainct et sacré fleuve, et te predire ce qui te doit advenir.
Premieremêt toy remply des ruysseaux du sang humain, regorgeras et sortiras violemment hors de
tes rivages : tellement que les eaux divines, non seulement seront polluës par le sang, ains de toutes
partz deborderont, en abismant tout le païs. Tant que le nombre des mortz, surmontera, celuy des
vivans : et celuy qui survivera, sera congneu estre Aegyptien, seulement par sa langue, mais par ses
actes, estrangier. Pourquoy pleures-tu, Asclepe ? Sois asseuré, que Aegypte sera infectionnée de
beaucoup plus grandz et enormez maux, que ie ne dy. De sorte, que celles, qui estoit iadis le sainct
siege, sur toutes choses aymant la divinité des dieux en terre, par le merite de l’honneur, admiration,
reverence, et service, qu’elle leur exhiboit, sera pour lors le mespris et abolition de toute saincteté.
Et celle qui estoit la maistresse d’obeyssance deuë aux dieux, sera l’exemple de tres grande cruauté.
Adonc pour l’ennuy et fascherie qu’auront les hommes, le monde ne semblera estre admirable, ne
digne d’aucun honneur et reverence. Mais, qui plus est, tout ce grand bien, auquel nul autre est
accomparager, ne fut, ny ne sera oncques (comme

Les titres du Monde.

l’on peut evidemment apercevoir) sera en dangier : et pource qu’il sera ennuyeux aux hommes, l’on
n’en tiendra conte nullement. Ny pareillement sera ce monde, duquel traicterons, aymé, qui est l’
oeuvre immuable de Dieu, son bastiment plein de gloire, et digne de toute loüange, le bien composé
de diverses sortes d’images, l’instrument de la volonté divine, en son oeuvre sans nulle enuye
prestant faveur et ayde à toutes choses ensemblément, lesquelles peuvent estre reverées, louées, et
aymées de ceux qui les contemplent : finablement l’amas de diverses formes. Car aussi les tenebres
seront preposées à la lumiere, et la mort sera en plus grâd pris et recommendation, que la vie. Nul
eslevera les yeux au ciel : mais celuy qui servira à Dieu de tout son pouvoir, sera reputé comme
homme insensé : et celuy au contraire qui n’aymera, ny ne craindra Dieu, sera estimé sage et prudêt,
le furieux fort, l’inique homme de bien. Car l’ame avecques ce qui est au tour d’elle, au moyen
dequoy est née immortelle, et a confiance et espoir de pouvoir à quelquefois obtenir l’immortelle et
perdurable vie, non seulement sera estimée mocquerie, mais aussi vanité et mensonge. Croyez
d’avantage, qu’il sera pareillement constitué un peril portant peine de mort, ou pour le moins
d’infamie, à celuy, qui s’adonnera à servir Dieu de tout son cueur et


Le défaut des éléments.

entendement. Et seront establies nouvelles ordonnaces, coustumes, et ceremonies, avecques une
nouvelle loy, pour punir ceux qui feront ce que dessus. Il ne sera ouy, receu, ne creu, aucune chose
sainte touchant le ciel, ou de ce qui est en iceluy. Il se fera pareillement une separation pitoyable, et
estrangemêt douloureux des dieux d’avecques les hommes, et seulement les malings espritz
avecques eux demeureront. Lesquelz meslez avecques humanité, contraindront les poures
miserables à toute outrecuydance, presomption, orgueil, et temerité : et leur prestant la main, les
inciteront à se combatre, rapiner, et decevoir les uns les autres. Finablement à tout ce qui est à la
nature des ames contraire. Alors ne consistera la terre en son poix et mesure, ny ne persevera en sa
production accoustumée. On ne pourra aussi semblablement singler sur mer en aucune maniere : ny
ne se maintiendra le ciel, selon le cours des astres, ny le cours et revolution des planettes pourra en
soy consister. On n’osera pareillement tenir propos de Dieu, ne de sa divinité, pour l’urgente
necessité, qui sera lors de se taire. Le fruict de la terre, se corrompra, et n’apporera tant que de
coustume. L’air defaillera de sa vigueur, et deviendra moindre qu’au paravant par une endormisson
triste et langoureuse. Adonc avieillira le monde totallement. La vieillesse duquel fera


Le regard de Dieu sur les iniques.


tout mespris d’honneur divin, et desarroy de tout bien. Quand doncques sera tout cecy advenu, o
Asclepe, lors le tout puissant seigneur Dieu, pere, et temperateur du monde, regardant sur les meurs
et faictz volontaires des hômes, et par sa volonté investigable, et non equiparable iustice, resistera
aux vices, et destournera l’erreur corrompant tout le monde : pacifira aussi toute malignité par une
ravine et deluge d’eau, ou la consumera par feu, ou luy mettra fin par pestilentieuses maladies,
espanduës en divers lieux : et par ainsi reduyra le monde universel, en son ancienne figure. De
maniere qu’il semblera encore comme paravant, le monde estre digne de tout honneur : ensemble le
facteur et restaurateur d’un tel oeuvre en son estat pristin (qui est Dieu) sera celebré, et exalté de
loüanges, et continuelles benedictions, par ceulx qui pour lors seront au monde. Car ceste
restauration du monde, laquelle se fera apres la revolution de quelque temps, sera une reformation
et amendement general de toutes bonnes choses, et un moult sainct renouvellement de toute nature,
laquelle est, a esté, et sera sans nul commencement sempiternelle. Car defaict aussi la volonté
divine, dont elle depend, n’a nul commencement : mais est tousiours pareille, sans variation, et en
tout et par tout eternelle.


Le Monde image de la bonté de Dieu.

ASCLEPIUS : Ainsi le pensay-ie Trismegiste, pour autant que la nature de Dieu, est le conseil de sa
volonté, ce que n’est autre chose, que bonté souveraine.


TRISMEGISTE : Il te fault entendre, Asclepe que sa volonté n’aist de son conseil, et que son
vouloir procede de sa volonté. Car estant tres plein de toutes choses, et ayant ce qu’il veult, ne peut
rien vouloir fort affectueusement. Or veult il tout ce qui est bon, et obtient tout ce qu’il veut, et tout
ce qu’il pense et veult, est bon. Qui fait que le monde soit l’image de sa bonté.

ASCLEPIUS : A’ ceste cause doncques le monde doit estre dit bon, Trismegiste.


TRISMEGISTE : Ouy bon, Asclepe, comme te le donneray à entendre. Premierement tu dois
sçavoir, que tout ainsi que Dieu est le dispensateur de tous biens, tant du sens comme de l’ame, et
de la vie, à toues et chacunes especes et genres qui sont au mond, que le monde aussi est collateur
de toutchâgement et alternation des choes, à sçavoir, des fruictz temporelz, de naissance, de toute
augmêtation et accroissement, de maturité, et telz semblables. Dieu neantmoins estant par-dessus la
cyme du plus hault ciel, est en tous lieux, et regarde toutes choses de toutes partz. Car defaict il y a
par dessus le ciel un lieu, ou ny a point d’estoilles, estant reculé de toutes choses corporelles. Il y a
d’avantage un dispensateur et gouverneur entre le ciel et la terre, lequel vulgairement appellons
Iupiter. Sur laquelle terre et mer, domine un autre, que nommons Iupiter Plutonique, lequel est aussi
le nourrissier de tous mortelz animaulx, et autres choses portans fruict. Par la vertu et puissance
desquelz dominateurs, tous fruictz et fruictiers, et la terre semblablement sont vivifiez et vegetez.
Mais les vertuz et effectz des autres gouverneurs, sont parcialisez par toutes les choses, qui ont
estre. Or seront à quelques fois distribuez, et departiz pareillement ceux qui dominent, et maistrisent
sur nostre terre, et seront colloquez en une cité au commencement d’Egypte, qui sera edifié vers
Orient, à laquelle tout l’humain genre accourra, de toues parts, tant par mer que par terre.


ASCLEPIUS : Maintenant ou sont ilz,Trismegiste ?

TRISMEGISTE. Ilz sont en la grande cité, au mont de Lybie. Soit iusques icy narré des dieux.


L’argument du dixiesme chapitre.

Le dixiesme, mentionne de la mort, et de l’examination de l’ame, apres qu’elle est issuë de ce corps.
il dit semblablement, que ceux aux quelz par iustice est ostée la vie convaincuz par les loix
humaines pour leurs mesfaictz, sont plus griesvement puniz que les autres : au contraire que Dieu
donne support et ayde aux iustes. Il traicte aussi de la divinité du soleil, et du monde, le descrivant
estre le premier


Comment se fait la mort.

Dieu sensible, le soleil second, disant que le monde sera eternellement sans corruption aucune. Mais
nous Chrestiens qui sommes enseignez de la verité par la mesme verité, n’attribuons iamais au
Soleil ny au monde l’incommunicable nom de Dieu, et croyons de ferme et inviolable foy, le
monde, quant à sa figure, devoir passer une fois. Parquoy ces parolles d’Hermès entenduës ainsi
qu’elles sonnent simplement, portent quelque semblent de l’erreur des Payens. Mais trop bien leur
atribuôs nous divinité par participation, comme aux excellentes et magnifiques oevres de Dieu.


Chapitre X.

Quant à ce qui concerne mortalité, et immortalité, il fault en disputer maintenât. Au moyen qu’il y
en a plusieurs ignorans de vraye raison, tourmentez en leur esprit, de l’espoir et craincte qu’il ont de
mourir. Or avant toutes choses convient entendre, que la mort se faict par la dissolution de l’ame et
du corps lassé de travailler, et du nombre parfaict et accomply, par lequel sont les membres du corps
adaptez et conioinctz en un organe pour les usances vitalles. Car lors se meurt le corps, quâd il ne
peult plus porter ny endurer les choses vitalles. Voyla dôcque


Ne pas craindre la mort.

c’est que la mort à sçavoir, la desliaison de l’ame et du corps, et destruction des sans corporelz. Qui
faict que la craincte d’icelle, soit superflue, et ne serve à riens. Mais il y en a bien un autre plus à
craindre, laquelle ou l’ignorance, ou incredulité humaine, ha en mespris et nonchalloir.


ASCLEPIUS : Qui est elle Trismegiste, celle qu’il ignorent, ou se desfiêt pouvoir estre ?

TRISMEGISTE : Entend le, Asclepe. Tu doibs sçavoir, que deslors que l’ame est separée du corps,
le iugement et inquisition de son merite, tombe en l’arbitre du Princes des anges : lequel s’il la
trouve iuste, et sans aucune macule, ul luy permet demourer es lieux à elle competâs. Au contraire
s’il la trouve entachée de vices de peché, la pousant rudement de hault en bas, la baille à grandes
tourmentes, tempestes, et tourbillons de vent, de feu, et d’eau contrarians les uns aux autres. Et ainsi
entre ciel et terre, est ravie, et iectée de costé et d’autre, des vagues mondainnes et à tousioursmais
de peines eternelles tourmentée. Et d’autant quelle est par sentence eternelle adiugée et submise à
un iugement eternel, aussi est elle plus griesvement tourmentée, et la sentence luy est plus facheuse
à porter. Au moyen dequoy congnois Asclepe, et entends falloir bien craindre cecy et se tenir sur la
garde, de poeur d’estre en tel invonvenient enveloppé. Car ceulx qui ne le veulent croiere, pendât
que ilz


Dieu rendra à chacun selon ses mérites.

sont en ce mortel monde, et qui pour aucun admonnestement et exhortation qu’on leur face, ne
desistent de commettre telz delitz, seront contraintz le croire non par parolles et menaces, ainçois
par exembples, et soufrâce de peines et tourmetz.


ASCLEPIUS : Il fault donc dire, o Trismegiste, à ce que ie puis entendre, que les delict et offences,
que commettent les hommes, ne sont pas toutes punies par la seulle loy humaine.

TRISMEGISTE : Non, Asclepe. Car tout ce qui est terrien, est pareillement mortel. Et à ceste cause,
tout ce qui vit par raison corporelle, et deffault à quelque fois de vivre par la mesme loy corporelle,
et pour ses demerites est à penes condempné, est asservy à d’autant plus rigoureux et aspres
supplices apres sa mort, qu’a cause des choses esquelles s’estoit polus ententisvement appliqué, n’a
esté puny adonc qu’il vivoit. Car Dieu par sa divinité sçachât tout avant l’advenir, rendera peines et
tourments à un chacun, comme la qualité de leurs delictz le merite.


ASCLEPIUS : Qui sont ceulx qui meritent les plus griefz et penibles tormêts, Trismegiste ?


TRISMEGISTE : Ceulx qui sont condempnez à la mort par les loix humaines, et perdent la vie
violentement. En sorte qu’ilz semblent estre mortz non pas selon nature, ains par les peines qu’ilz
endurent à cause de leurs merites. Ce que au contraire est le reconfort et ayde de l’homme, qui
tousiours


L’espérance de l’homme.

se maintient en la craincte, obeïssance, et amour de dieu. Car Dieu lia continuëllemêt en sa garde
telles gens, et les deffend de tous maulx inconveniens et oppressions quelconques. Au moyen que
luy estât le pere et seigneur de toutes choses, et le seul tout, se manifeste à tous volontiers. Non
qu’il se donne à congnoistre, en quel lieu il reside, ou en quel il soit quant à sa qualité, ou combien
il est grand quant à sa quantité, magnitude, excellence, et haultesse : ainçois esclercist, et illumine
l’homme par la seule intelligence de son entendement, affin qu’il entende ce qui se peult
congnoistre de luy. Lequel (toutes tenebres d’erreur premierement dechassées de l’ame, et la clerté
de verité venüe en elle) se mesle avec le sens de son intelligence, laquelle est divine. Pour l’amour
et merite de laquelle, l’homme delivré de la partie de nature, au moyen de laquelle est mortel,
conçoit fiance, et prend appuy, sur la partie de future immortalité. Ce que certes est en quoy gist la
difference et distinction des bons, et des mauvais. Car chacû est clarifié et illuminé e Dieu, par la
recôgnoissance, amour et obeïssance qu’il faict et doibt à Dieu, et à son prochain, quasi comme
l’oeil apres avoir veu et contemplé la vraye raison de quelque chose. Et l’assurâce de sa foy, est
d’autant plus excellente, et meilleure sur celle de tous autres hommes, que le Soleil


Le Soleil second Dieu sensible.


excelle et surpasse tous les autres astres, par sa clerté. Car en ce que le Soleil donne lumiere aux
autres estoilles, cela ne se faict pas tant par la grandeur de sa puissance, que par la divinité, et
saincteté, laquelle est en luy. Et par ainsi il te le fault croyre, o Asclepe, estre le second Dieu
gouvernant toutes aultres choses, et donnant clarté et lumiere à tous animaux de ce monde ou qu’il
soient animez ou sans ame. Car si ainsi est que cest animal, que nous appellons le monde à esté au
passé, et est de present, et sera à l’advenir vivant, à tousiours mais, il fault aussi pareillement dire et
conclure, n’estre rien en ce monde qui soit mortel. Car il ne se peult faire, que mortalité ayt lieu en
ce qui tousiours vit en ce monde, ou en quelque partie d’iceluy, pour autât qu’elle procede d’un
mesme animans tousiours vivant. Parquoy il doibt estre consommé, parfaict, et accomply tant en vie
comme en eternité, si ainsi est qu’il vive necessairemêt à perpetuité. Tout ainsi doncques que le
Soleil est comme le monde sempiternel, aussi est il pareillement tousiours gouverneur de toutes
choses vivantes, ou plus tost de tout vivacité, et leur peupleur, et dispensateur. Dieu donc (pour
toute resolutiô) est le perpetuel gouverneur et conducteur, de tout ce qui obtient vie en ce môde, et
l’eternel distributeur de leur vie. Lequel à une fois pour toutes distribué vie à toutes choses


Le temps terrien, le temps céleste.

vivantes, par une loy eternelle, en la manière que ie diray. Car en premier lieu, en ceste vivacité
d’eternité est meu le monde, et en cese vitalle eternité, gist le lieu du monde. Ce qui est la cause,
pour laquelle il ne pourra iamais perir, pour autant qu’il est environné et comme remparé de ferme
et stable sempiternité. Il est donc le distributeur de vie a tout ce qui est en luy, et le lieu de tout ce
qui est regy et gouverné soubz le Soleil. Le mouvement duquel monde consiste de double effect.
Car premierement il est exterieurement vivifie par eternité, et si vivifie toutes choses qui sont en
luy, les diversifiant toutes des nombres, et de temps limitez. Universellement, par la vertu et effect
du Soleil, et discours des estoilles : Temporellement, par la prescription de la loy divine. Quant au
temps terrien, il est cogneu par la qualité de l’air, et diversité du chauld et du froit. Mais le celeste,
s’apperçoit par le tour et revolution des astres, recourans en leurs mesmes et acoustumez lieux, par
un changement temporel. Au regard du monde, il est receptacle du temps, par le cours et agitation
duquel, il obtient sa force et vigueur. Mais le temps est conservé par son ordre. L’ordre doncques et
le temps, sont le renouvellement de toutes choses de ce monde, par leur alternation et varieté.
Dieu immobile, immuable.


L’argument de l’unziesme chapitre.

L’unziesme dit, qu’il n’y a que Dieu seul, qui soit immobile, que toues autres choses sont muables,
et subiettes à corruption : mais quant à luy qu’il est infiny, incomprehensible, inéstimable, et
incogneu quant à son essence. Il traicte pareillement de l’incorruptible, inviolable, et sempiternel
sens de Dieu, de celuy du monde et de l’homme, et finablement de la difference qu’il y a entre le
sens et intelligence.